4.48 Romans noirs [Contemporains Francophones]

 

 

 

 

Titre : Dedans ce sont des loups


Auteur : Stéphane Jolibert
Édition : Le Masque (2016)

Résumé :

Aux confins du Grand Nord, dans un paysage de glace et de neige, une bourgade survit autour de l’activité du Terminus : hôtel, bar et bordel. Nul ne sait à qui appartiennent les lieux mais ici se réfugie la lie de l’humanité et ici s’épanouissent les plus bas instincts.

Dans ce milieu hostile, Nats fait son boulot avec application, jusqu’au jour où débarque un homme au visage familier, et avec lui, une flopée de mauvais souvenirs.

 

Dès lors, tandis que la neige efface le moindre relief du paysage.

 

Tandis que la beauté de Sarah chamboule son quotidien. Tandis que le vieux Tom lui raconte le temps où les loups tenaient les chiens à distance. L’esprit de vengeance tenaille Nats, impérieux, dévorant.

 

Critique : 

La neige éclatante à perte de vue et pourtant, ce roman est sombre comme les hommes qui l'habitent, mais malgré toute cette noirceur, il y a tout de même quelques lueurs d'espoir au fond de ce trou à rat qu'est le Terminus.

 

Nous sommes à la Frontière, celle du Grand Nord, dans une zone à l'écart de tout, une zone sans droit, sans autres règles que celle du Grand Patron, l'homme qui gère tout caché dans l'ombre.

 

Ensuite, il faudra respecter celles du contremaître, du garde-putes, de l'Irlandais, tenancier du bar Terminus et du Vieux Tom, le bootlegger qui rempli leurs cuves d'alcool distillé par lui-même.

 

Dedans, ce sont des loups et les chiens ne sont pas tolérés dans cette zone où fraye toute la lie de la société.

 

Ici, c'est une meute et si l'homme est un loup pour l'homme, il en est un aussi pour le véritable canis lupus qui courrait, libre, dans ces bois avant de se faire exterminer par l'Homme.

 

Au Terminus, c'est un peu comme à la Légion Étrangère : on ne te demande pas qui tu es en vérité et ce que tu fuis. Pour la plupart, c'est la police.

 

Les personnages qui hantent ces pages ont tout été amoché par la vie et tous trainent un passé plus lourd qu'un boulet et ils tentent de le noyer dans l'alcool ou entre les jambes des 12 prostituées qui opèrent au Terminus.

 

— On se marrait bien, tous les deux, avec mon paternel, avant qu’il se mette dans l’idée de battre le record du monde d’absorption de boisson qui dérouille le foie. Fallait voir ce qu’il s’envoyait, même un pipeline pompait moins de litres à l’heure.

 

Le récit est cohérent, empreint d'une grande profondeur, humain malgré la violence qui règne dans cette zone oubliée de tous. De plus, j'ai aimé le mélange entre passé et présent.

 

La misère, ça pousse n’importe quel gentil à devenir teigneux.

 

L'histoire est comme un moteur qui ronronne et t'entraine toujours plus loin, toujours plus bas, ou toujours plus haut, c'est comme le lecteur le ressentira. Soit il racle le fonds avec la lie tel Sean, soit il s'élève avec Nats et Sarah.

 

Quant à la plume, elle est sans concessions, créant des personnages ni tout bon, ni tout mauvais, chacun ayant l'une ou l'autre chose à cacher et cela nous se divulgué au fil des pages que l'on tourne avec frénésie.

 

C'est tellement bien décrit que tu vois les lieux lors de ta lecture, tu sens la neige froide et humide qui s’immisce dans tes os et les balles te transperceront le corps.

 

Le vieux contrôlait les sorties, les dépenses, la manière de se vêtir de chacun, il contrôlait tout à l’exception de ce qui lui échappait. L’amour. La tendresse.

 

On pourrait dire que le roman regroupe des tranches de vie miséreuse de personnes qui en ont bavé dans leur vie, qui en ont reçu plein la gueule pour pas un balle, des gueules cassées, des blessés de la vie. Mais ce serait oublier la profondeur de son récit car ce roman, c'est plus que ça.

 

Un récit âpre, froid, maîtrisé, cohérent, brut de décoffrage, violent - mais pas de la gratuite - sombre, mais avec une lumière qui brille dans le fond.

 

Bref, encore un putain de roman noir qui te pète à la gueule, qui te traine dans un bar mal famé et où tu hurles à la lune "Encore" tant le style est d'enfer.

 

Challenge "Thrillers et polars" de Sharon (2015-2016) et Le "Challenge US" chez Noctembule.

 

 

 

Titre : Rural Noir


Auteur : Benoît Minville
Édition : Gallimard - Série Noire (2016)

Résumé :

Adolescents, Romain, Vlad, Julie et Christophe étaient inséparables ; ils arpentaient leur campagne et formaient un "gang" insouciant.


Puis un été, tout bascule. Un drame, la fin de l"innocence.


Après dix ans d'absence, Romain revient dans sa Nièvre désertée, chamboulée par la crise, et découvre les différents chemins empruntés par ses amis.


Évoquant à la fois La guerre des boutons de Louis Pergaud et la tradition du "country noir" américain, oscillant entre souvenirs de jeunesse et plongée nerveuse dans la réalité contemporaine d'une "France périphérique" oubliée de tous, Rural noir est un roman à la fois violent et tendre ; évoquant l'amitié, la famille, la culpabilité. 

 

Critique : 

Rural Noir, ce pourrait être le nom donné à une nouvelle série qui explorerait le Roman Noir dans ce qu'il a de "rural", la cambrousse...

 

Parce que si la banlieue c'est pas rose, la banlieue c'est morose, faut pas se leurrer non plus, la campagne n'est pas toujours aussi bucolique que les citadins pourraient le croire.

 

Ce Roman Noir explore deux périodes d'une bande de copains, sorte de Club des Cinq sans le chien et dans sa version un peu moins sage puisque nos ados de 14 ans picolent un peu, fument et ont, pour certains, déjà fourré leurs doigts là où il ne fallait pas... enfin, si, c'est là qu'il fallait les mettre. Bref, vous voyez ce que je veux dire.

 

La première période correspond bien entendu à une époque où Romain, Vlad, Julie avaient 14 ans et Chris, le plus jeune, 12 ans. Ils forment une bande, un "gang" et cet été là, un événement viendra foutre en l'air leurs vacances.

 

Mais avant que l'on apprenne ce qu'il s'est passé, nous aurons droit aux bêtises d'une bande d'ados, à leurs chamailleries, leurs bêtises, leurs bagarres, les petites jalousies, les premiers émois amoureux...

 

On se retrouve dans cette bande de gamins... Surtout si l'on a grandi à la campagne et que l'on occupait ses mois de vacances à sillonner la région en pédalant ferme.

 

L'autre période, c'est maintenant. Romain a un jour planté son jeune frère, Chris, après la mort de leurs parents et 10 ans après, il fait son grand retour dans le bled où tout à bien changé.

 

Beaucoup de tensions et de secrets, dans ces 245 pages qu'on ne lâche pas avant de les avoir toutes avalées.

 

Si les deux frères sont heureux de se retrouver, il y a de la colère dans le cadet, colère qu'il aimerait diriger vers son aîné, mais qu'il garde en lui. Quant à leur copain Vlad, le Captain du gang, il a bien changé et pas dans le bon sens.

 

Toute la ruralité est exprimée dans ce roman : plus d'industries à fermer, les agriculteurs qui comment à manquer d'air, les commerces qui ont fermés, les cafés aussi et la drogue qui circule de plus en plus.

 

Une ambiance lourde dans ce récit, oppressante, comme un soir d'été caniculaire où l'orage menace d'éclater dans le ciel. On aimerait que ça éclate, mais on sait que lorsque cela arrivera, des mots seront dit et ils feront mal.

 

Heureusement qu'il y a les passages dans le passé pour adoucir un peu tout ça, même si on sait que l'on va au devant de révélations terribles pour que tout ait éclaté de la sorte ensuite.

 

Si les personnages principaux sont bien esquissés et que l'on peut se retrouver dans cette bande de gamins, leurs portraits adultes sont réussis aussi et les personnages secondaires ne sont pas en reste non plus.

 

L'écriture de l'auteur est bien dosée, ni trop dure, ni trop douce, pas coupée avec de la mauvaise encre ou du marshmallow. C'est du brut noir de noir que tu avales.

 

Un roman noir avec une sacrée dose d'amitié, de fraternité, l'histoire d'un gars qui est parti du mauvais côté, mais que ses amis ne renient pas, même si les aléas de la vie les ont séparé.

 

C'est rempli de valeurs qui me sont chères, ce sont mes racines, c'est bourré de violence larvée à laquelle on lâche la bride de temps en temps. Il y a de la nostalgie, des regrets, des pardons qui ne viennent pas, des vieilles rancœurs, des vengeances...

 

Rural Noir, c'est à la vie, à la mort, à l'amitié, à la fraternité. C'est la cambrousse mais tu évites la bouse de vache à tes chaussures. Quoique, on marche dedans.

 

Bon sang, vous êtes encore à me lire alors qu'il faudrait plutôt allez lire ce roman !!

 

Challenge "Thrillers et polars" de Sharon (2015-2016) et Le "RAT a Week, Winter Édition" chez Chroniques Littéraires (245 pages - xxx pages lues sur le Challenge).

 

 

 

Titre : Les loups à leur porte


Auteur : Jeremy Fel
Édition : Payot et Rivages (2015)

Résumé :

Une maison qui brûle à l'horizon ; un homme, Duane, qui se met en danger pour venir en aide à un petit garçon qu'il connaît à peine ; une femme, Mary Beth, serveuse dans un dîner perdu en plein milieu de l'Indiana, forcée de faire à nouveau face à un passé qu'elle avait tenté de fuir ; et un couple, Paul et Martha, pourtant sans histoires, qui laisseront un soir de tempête, entrer chez eux un mal bien plus dévastateur.


Qu'est-ce qui unit tous ces personnages ? Quel secret les lie ?


C'est à ce grand puzzle que nous convie ici Jérémy Fel, dans une atmosphère énigmatique et troublante entre Twin Peaks et les romans de Joyce Carol Oates. 

 

Critique : 

Ce roman est composé de nouvelles qui forment une véritable toile d'araignée pire que celle de Spiderman.


Des histoires où tout se croise, s'entrecroise, se mêle, s'entremelle, se démelle et vous ensorcelle.


Tout se tient, tout se recoupe, tout est lié par un fil d'Ariane qui vous entrainera dans des méandres de ce puzzle afin de mieux vous surprendre.


Vous aviez oublié un personnage ? Vous ne pensiez plus à lui ? Pas de soucis, au fil d'une autre nouvelle, vous risquez de le retrouver, de le croiser ou d'entendre parler de lui. Que la nouvelle se déroule aux États-Unis ou en France, comme quelques unes.


Étrange comme parfois des personnes séparées par un océan peuvent avoir des connexions entre elles. Tout n'est que vieilles connaissances, ici.


Malgré la briéveté des histoires, les personnages sont détaillés et nous en apprendrons plus sur eux durant les différentes nouvelles dans lesquelles ils interagissent.


Les récits sont profonds, noirs, parfois un peu trop noirs et j'ai notamment bougonné sur les récits composés de réveils brutaux suite à des rêves car le procédé est un petit peu trop utilisé dans le livre. Ce sera ma seule critique.


Danc ce roman à la construction étonnante nous nous trouvons avec des personnes qui ont eu, un jour, les loups à leur porte, bien que parfois le prédateur devienne le prédaté...


Les paysages sont variés puisque des États-Unis on peut se retrouver ensuite en France, se trouver dans un trou du cul de la campagne et ensuite passer à une ville bruyante et parfaitement éclairée. Mais attention, la lumière des néons cache parfois des bêtes sauvages.


Un roman puzzle où l'on pourrait facilement perdre son âme mais pas perdre le fil de l'histoire, sauf si vous mettez 6 mois à le lire.


Étonnant, bien construit, jubillatoire de noirceur et beaucoup de tension durant la lecture. Cardiaques, n'oubliez pas vos pilules pour certains passages.


Challenge "Thrillers et polars" de Sharon (2015-2016) et « Le Mois Américain » chez Titine.


 

 

 

Titre : Que ta volonté soit faite


Auteur : Maxime Chattam
Édition : Albin Michel (2015)

Résumé :

"Les enfants de toute l’Amérique avaient le Croquemitaine pour se raconter des histoires qui font peur, à Carson Mills, ils avaient Jon Petersen."

Pour son vingtième roman, Maxime Chattam dresse le portrait d’une petite ville du Midwest américain des années 60 jusqu’au début des années 80, avec pour fil rouge l’évolution de Jon Petersen – pervers psychopathe – de son enfance jusqu’au point culminant de sa sinistre carrière criminelle.

Petit Plus : Un roman noir à l’écriture et à l’atmosphère uniques dans la carrière de l’auteur, où tout converge vers un final aussi étonnant qu’imprévisible. Que ta volonté soit faite est non seulement un voyage à Carson Mills, mais aussi dans ce qui constitue l’essence même du roman policier, la vérité et le crime.

 

Nourri de ses lectures de Stephen King, Maxime Chattam s’inscrit ici dans la filiation de Jim Thompson et de D.R. Pollock dont Le diable tout le temps ne laissait pas indemne.

Critique : 

Si on m'avait fait lire ce livre à l'aveugle, j'aurais parié ma chemise et tout le reste que l'auteur était américain et auteur de polars noirs.

 

C'est toute nue que j'aurais terminé puisque Maxime Chattam est français et que le polar noir n'est pas son créneau habituel.

 

Pourtant, ce n'est pas la première fois que je lis cet auteur, sa trilogie du Mal m'avait déjà happé, ses autres œuvres aussi, mais je fus bien incapable de reconnaître sa patte.

 

Direction Ploucville... Enfin, Carson Mills, plutôt, mais c'est du pareil au même. Nous sommes dans les années 60, dans une petite bourgade un peu retirée avec des gens simples, frustres, une famille riche qui domine le tout et une division religieuse entre les luthériens et les méthodistes.

 

Et le Mal rôde en la personne d'un homme qui fait preuve d’une extrême violence envers sa femme, son fils et envers tout le monde.

 

Le premier chapitre est sans concession et je l'ai terminé en fermant les yeux, avalant difficilement ma salive. Le ton était donné : âmes sensibles, dégagez !

 

Sombre, violent, dérangeant, angoissant, avec un contexte social d'une petite ville en toile de fond. Bref, un p'tit roman noir serré comme je les aime.

 

Ce que j'ai apprécié, c'est que le premier chapitre donne le ton tout en nous présentant deux personnages clés - Jon Petersen et son fils, Riley - avant de faire un retour de plus de 30 ans en arrière pour nous expliquer l'histoire de Jon.

 

L'écriture est âpre et elle vous imprégnè, telle de la fumée qui se fixerait dans vos vêtements et sur votre peau. Nous sommes face à un roman cérébral qui, même refermé, nous fera encore cogiter longtemps.

 

Si la violence transpire à toutes les pages, elle n'est pas gratuite et bien souvent larvée, cachée, en attente. On la sent naître, on suspecte ce qu'il va se passer (ou ce qu'il s'est passé) et la sueur froide dégouline dans le dos. Bref, c'est pire qu'une explosion de violence. C'est sournois, même.

 

Les personnages sont typés, mais sans être stéréo (typés), ils sont travaillés avec peu de détails et, malgré tout, ils arrivent  à être tellement présent qu'ils vous hanteront longtemps après la fin. Il y a une dualité du Bien contre le Mal au travers de deux personnages qui ajoute de la pression durant la lecture.


La psychologie des différents personnages est très fine et bien mise en œuvre, notamment avec les deux communautés religieuses. Là, on est dans le très fin et on touche à l'excellence à tous les points de vue.

 

Chattam a dû biberonner aux grands auteurs noirs, les trempant dans sa soupe du midi et en reprendre dans ses biscuits de 16h. D'ailleurs, il en cite quelques uns - le shérif est un lecteur - et c'est pas de la gnognotte.

 

L'auteur a dû suivre aussi un stage de foot parce qu'il m'a taclé assez violemment alors que je soufflais après une accalmie et que l'enquête était en place.

 

Paf, dans ma gueule. L'équivalent du choc que le joueur Battiston a dû ressentir en se faisant percuter par Schumacher lors de la fameuse finale à Séville en 1982.


J'étais par terre, groggy, sonnée. Pas de gong pour sonner le glas, on se relève et on continue jusqu'à ce que je me reprenne un uppercut qui m'a envoyé au tapis.

 

Brillant ! Faudra d'ailleurs un jour que j'embrasse l'auteur - si j'ai le bonheur de le croiser - pour le remercier de m'avoir offert ça !

 

C'est un roman noir très fort, prenant et un coup de cœur, aussi fort que les coups de poings que j'ai pris. Chattam, il shoote et ça fait mal, mais c'est bon.

 

Avec ce livre, t'es sur un ring, tu te prends les coups, tu voudrais les rendre mais... t'en redemande !

 

Que ta volonté soit faite... et elle le fut ! Oh que oui !

 

Challenge "Thrillers et polars" de Canel (2014-2015) et Le "Challenge US" chez Noctembule.

 

 

 

 

Titre : La faux soyeuse
 
Auteur : Eric Maravelias

Édition : Série Noire  Gallimard (2014)

Résumé :

"La Faux Soyeuse" est un roman noir, pas de doute. Très noir. Suivant la définition d’Aurélien Masson, le directeur de la mythique série noire, un roman noir se doit de respecter au moins trois critères. Un milieu, avec son langage et ses codes, des personnages vivants et attachants, et une intrigue.


Pour le milieu, avec La Faux, on a la tête dans le sac. On est en banlieue, près de Paris, et au fil des 253 pages, le lecteur traverse deux décennies.

 

La folie des années 80, les vols, les braquages, la belle vie, l’amour, et l’arrivée en masse de la dope dans les quartiers, la glissade et la chute irréversible de Franck, le héros, triste héros, racaille toxicomane au cœur tendre.

 

C’est une odyssée, poignante et pathétique, dure et sans pitié. Pas de rédemption. Pas de pardon. Mais c’est aussi poétique et tendre, parce que ce sont des hommes et des femmes, comme vous, avec un cœur qui bat. Mais trop vite. Trop fort.


Puis les années 90 et les ravages du Sida, la déchéance, la maladie, la mort.


Petit Plus : "J’ai voulu, avec La Faux Soyeuse, porter un témoignage sur ce que fut ma vie. Ne vous y trompez pas, c’est un roman. Franck n’est pas moi et je ne suis pas lui. Mais ce qu’il a vécu, je l’ai vécu, moi aussi. En grande partie".

 

C’est un roman qui s’adresse à tous, de tous âges et de toutes conditions.

 

C’est ce qui se passe aux pieds de vos immeubles. C’est ce qui s’y est passé, en tout cas. Dans toute sa cruauté. Vous en avez entendu parler, mais jamais vous ne pénétrerez ce monde mieux qu’avec La Faux Soyeuse. Et sans danger pour vous, sinon celui d’être hantés par ces hommes et ces femmes.


Vous allez les aimer. Malgré tout. Malgré leurs vices et leur laideur. Malgré leur langage et leurs esprits tordus. C’est ce que je veux. C’était mes potos. Nous étions des enfants.


Les personnages : Ils sont là, et ils vous balancent ce qu’ils sont au visage, sans honte. Le bon comme le mauvais. Et leur folie vous capture. Leurs démons vous pénètrent.


L’intrigue : Elle est simple, affreusement simple, horriblement simple. Pathétiquement simple. Mais elle est l’enchaînement, le destin, qui vous prend et vous pousse irrémédiablement vers la fosse. De violences en cris, en trahisons. D’amertume en amertume, il vous entraîne dans le chaos, sans répit.


Dans ce roman, pour ce qui est du style, j’avais comme une obsession.

 

Unir E.Bunker et J.Lee Burke. Mes deux auteurs fétiches depuis toujours. Le style au scalpel de la rue, son langage cru, direct, et la poésie de Burke dans les descriptions de l’environnement. C’était presque inconscient, au début, et puis cette évidence m’a sauté aux yeux. C’est comme ça que je voulais écrire. C’est comme ça que j’écrivais déjà. J’ai travaillé dans ce sens.

 

Petit dico du toxico :

Came  (n. f.) : Drogue, cocaïne, héroïne ; consommer de la drogue, se droguer. Abrév. de camelote = marchandise (GR) / Ancien argot (Arnal) • synonyme : drogue • morph : apocope  • usage : drogue • famille : cam- (camelote)

Dope (n.f.) : (familier) drogue agissant sur le système nerveux et dont l'abus conduit à la toxicomanie.

Chrome : Faire crédit

Carotter : Voler, se faire avoir

Bicrave : Vendre, dealer (origine gitane)

Brown-sugar & brown sugar ; brown (n. m.) : Héroïne en grains, mélangée à de la caféine

Coke : Drogue, cocaïne

Rail rail de coke ; rail d'héroïne ; se faire un rail : Ligne de drogue en poudre préparée pour aspiration nasale ; se préparer une prise de cocaïne (ou parfois héroïne) (disposer la poudre en ligne)

Blanche : Drogue en poudre blanche (avec parfois idée de pureté) : cocaïne, héroïne

 

Critique : 

"Mes veines sont comme un fleuve tari, une rivière asséchée et parsemée de cailloux, où la roche affleure, une terre devenue stérile et dure. Elles forment de longues cicatrices qui ne véhiculent plus aucune vie. Ce sont les routes sombres de mon passé que mon sang a désertées."

 

C’est le genre de livre à offrir à une personne qui vous dirait que goûter là a poudreuse le tenterait bien, "juste pour essayer, parce que lui, il saura résister et pas recommencer, pas comme tous ces camés qui n’ont aucune volonté"

 

Mettez-lui ce livre dans les mains ! Il est rempli de gens qui voulaient "juste essayer une fois" et qui y sont resté pour toujours, passant des bras de la blanche pour ceux de la faucheuse.

 

Une fois de plus, un roman noir… mais cette fois-ci, rempli de poudre "blanche".

 

Si la poudreuse peut-être coupée avec tout et n’importe quoi (strychnine !), le roman, lui, il est pur ! C’est de la bonne, de celle qui arrache et qui te marque à tout jamais, comme "L’herbe bleue" m’avait marqué à vie à l’âge de 16 ans, horrifiée que j’étais de voir qu’ils étaient prêt à tout pour avoir leur came.

 

Franck "Eckel" est un camé et il est au fond du gouffre, en ce 12 septembre 1999. Il a besoin de sa dose, comme tous les jours, depuis des lustres. Nous le suivrons lors de ses achats et nous écouterons ses pensées. Rien ne nous sera caché ou épargné.

 

Comment il en est arrivé là ? Il vous le racontera, sans édulcorants, avec son langage à lui, argotique et sans fioritures.

 

Franck nous fera vivre les années 80 et l’arrivée de la poudre sur le marché, les toxicos utilisant tous la même seringue, se refilant ensuite le HIV. C’est tout un pan d’histoire qui nous est conté, ici. Et il m’a fait frémir.

 

S’il a commencé "petit", Franck est vite monté vers de la "dure" et dans les doses, n’hésitant pas à prendre des médocs pour avoir son shoot, à cambrioler des pharmacies ou à devenir dealer pour se faire du fric et avoir ses doses à lui.

 

Volant, agressant, mendiant, implorant,… faisant tout ce qui est possible pour avoir son shoot dans les veines.

 

Il n’y a pas à dire, un toxico en manque, ça ne manque pas d’imagination pour se procurer sa dope, de l’argent ou le matos pour s’injecter la petite mort dans ses veines.

 

Ce qui frappe, dans ce roman, c’est la réalité avec laquelle il est écrit ! Tel un Edward Bunker nous parlant de la taule, Maravélias nous parle du milieu des toxicos comme si on y était. Des décors environnants jusqu’à la déchéance des corps et des esprits, en passant pas la crasse immonde, tout est superbement bien décrit.

 

"Mon univers s’exhibe dans un rectangle opaque, derrière les vitres sales drapées de rideaux gris. A l’ombre de deux peupliers, observateurs silencieux de ma lente décomposition. Un bout d’azur terni, usé, témoin indifférent de tant d’horreurs mais de plaisirs fugaces, aussi, ces rares moments de joie, comme une ponctuation, des instants en italique dans ces récits fiévreux".

 

Comme je vous le disais, l’utilisation de l’argot et des codes des camés ajoutent au texte une réalité qui vous place au centre du jeu avec autant de réalisme que si vous étiez vraiment.

 

Pourtant, l’exercice n’était pas facile. En effet, il s’agit tout de même, pour Franck, de décrire des sensations à des lecteurs qui ne les ont jamais ressenties (du mois,, je l’espère pour eux).

 

"Ce n’est pas facile de décrire avec de simples mots, même en ayant du vocabulaire, les expériences extrêmes. Hors du commun. D’en faire saisir l’intensité à ceux qui ne l’ont pas vécues. Comme il est dur d’accorder foi au récit d’autrui sans aller voir par soi-même de quoi il retourne. Il n’y a guère que les enfants pour aller foutre les doigts dans la prise bien qu’on leur ait répété mille fois que ça faisait mal. Mais l’homme est un éternel enfant. Peu de gens, en vérité, sont conscients de ce qu’ils sont capables de faire dans certaines conditions".

 

Franck n’est pas un personnage que l’on aime, mais on le suit dans sa déchéance, lui, ou les autres, les filles n’ayant pas honte de se prostituer ou de sucer contre une dose. Du liquide contre de la poudre…

 

On a beau ne pas les aimer, savoir qu’ils sont là de par leur volonté – ou par leur manque de volonté – on a mal pour eux, mal de les voir s’enfoncer de plus en plus profondément, sans espoir de retour, dans les sables mouvants que sont les drogues.

 

"Mon his­toire n’est qu’une suite d’exemples de mon in­com­pa­rable connerie" nous avouera même Franck. C’est vous dire que même lui, drogué jusqu’à la moelle, a encore de la lucidité de temps en temps. Mais il aime trop les sensations que les drogues lui procurent.

 

"Comment dire à quelqu’un de ne pas faire une chose sous prétexte que c’est nocif et mortel, alors que de toute évidence, ça vous procure un vif plaisir ? À tel point, même, que vos journées se passent à courir après ? Cherchez pas. C’est impossible".

 

Mélangeant habilement les moments de 1999 et ceux des années 80, c’est dans un voyage fantastique que vous emmènera la plume de l’auteur, jonglant avec les époques, avec les personnages tous plus défoncés les uns que les autres, déambulant tous dans les tréfonds de la société, ayant perdu jusqu’à la moindre parcelle de pudeur ou de raison.

 

"Elle [la came] nous a obligé à faire des horreurs pour pouvoir profiter d’elle et en tirer du plaisir. Elle a fait de nous des parias. Des malades asociaux et violents. Elle a fait de Carole une pute. Sa putain exclusive".

 

Le ton du texte est juste aussi… Franck a beau être camé jusqu’au sourcils, il reste logique dans ses pensées. Il ne se trouve pas d’excuses, mais il sait le prix qu’il devra payer pour ce qu’il a fait circuler dans son corps.

 

Quant au final, s’il ne vous arrache pas une larme, je n’y comprends rien. Là, j’ai eu mal. Une douleur sans non quand j’ai compris en même temps que Franck que…

 

Un texte fort qui se dévore d’une traite – comme d’autre snifferont d’une traite leurs rails de coke – ne vous laissant pour séquelles que le souvenir de toutes ces ombres que vous aurez croisé dans ses pages. Ombres, qui, comme la Blanche, vous laisseront un grand vide lorsque vous refermerez ce livre et vous hanteront comme la fugueuse de "L’herbe bleue" me hante encore.

 

"La faux soyeuse" porte bien son nom. Le jeu de mot est habile, subtil, magnifique et aura le mérite de mettre en garde les imbéciles crâneurs contre cette fossoyeuse !

 

"La came se sert de notre bouche pour fumer des clopes à la chaîne et dire des conneries [...]. Elle se sert de notre corps pour en faire une épave et prendre son plaisir. Elle utilise notre esprit d’où, installée confortablement, elle dirige tout et pourrit notre existence. De l’extérieur, c’est à ce point flagrant. Mais nous, on ne s’en rend pas compte. On croit au contraire que l’on maîtrise. C’est affligeant."

 

Challenge "Thrillers et polars" de Liliba (2014-2015) et le "Challenge Ma PAL fond au soleil - 2ème édition" chez Métaphore.

 

 

 

 

Titre : Seuls les vautours
 
Auteur : Nicolas Zeimet
Édition : Éditions du Toucan (2014)

Résumé :

 Un petit village de l’Utah en 1985, avant internet, la téléphonie mobile et les techniques modernes d’investigation scientifique. Shawna, une fillette de cinq ans, disparaît brutalement un matin.

 

Tout le village se mobilise. Non seulement les quelques policiers du poste local mais aussi le médecin, un journaliste et bien sûr les enfants. Des enfants et des adolescents qui ont l’imagination fertile et qui racontent d’étranges histoires.

 

En suivant les destins croisés d’une dizaine de personnages, l’enquête progresse, les haines et les attirances se cristallisent alors que des découvertes bien réelles mènent à des événements qu’on croyait définitivement sortis des mémoires.

 

Certains, en tous cas, auraient bien voulu les oublier…

Critique : 

Bienvenue dans le trou du cul de l'Utah ! Duncan's Creek, petite ville peuplée de mormons avec des idées rétrogrades, de Gossip Woman pourvues de sacrées langues du vipère, d'un shérif antipathique et de toute une population assez haute en couleur.

 

Les seuls vautours que vous verrez dans ce roman font partie de cette espèce de charognards que je haïs : ceux qui se rassemblent devant une catastrophe et qui y vont de leurs petits commentaires fallacieux, fielleux et médisant. On les nommeras des « voyeurs morbides » car ils se repaissent d’événements dramatiques.

 

Malgré tout, l'ombre d'un grand rapace plane et planera sur tout le récit : une petite fille de 5 ans a disparu et ce n'est pas le premier enfant qui disparaît.

 

Mais qu'est-ce qui se passe à Duncan's Creek, doudou dis-donc ? Y aurait-il une croquemitaine ? J'ai l'air de prendre ça à la rigolade, mais je vous rassure de suite, l'affaire est grave.

 

Que voilà donc un roman magistral qui m'a entrainé sur les pentes escarpées du Devil Trail à la recherche de la petite Shawna, petite gamine innocente née dans une famille dont le père est un fainéant de première, protégé par sa famille qui voyait en lui un saint et qui a disparu il y trois mois. Bien fait, tiens !

 

Il y a une telle tension dans le récit, parfois, que j'étais contente de me changer les idées avec les aventures des autres personnages qui gravitent dans le récit.

 

Malheureusement, cette baisse de tension n'était que temporaire, tout le monde a des squelettes dans ses placards et le récit est digne d'un excellent roman noir tant la condition sociale y est décrite d'une manière féroce. C’est tout un pan de la société qui s’offre à nous dans ce microcosme et vous reconnaitrez des gens de votre entourage dans les habitants.

 

Les personnages ont des histoires qui se croisent et des destins qui s'entrecroisent, le tout raconté avec une maestria qui le laissa sans voix. On a l'impression qu'on gravite avec eux dans leur quotidien, suivant leurs pas dans cette petite ville des années 80, cette époque non polluée par le Net ou les GSM (et ça a toute son importance).

 

Toute cette petite galerie qu'on apprendra à connaître, à aimer, à détester (pour certains, je préconise le lance-flamme, directement), tous ces gens parfaitement décrits qui nous apprendront leurs histoires, leurs désirs, leurs pensées, leurs blessures secrètes... Le tout avec une bonne dose d'ironie et de cynisme.


Les descriptions, les récits des autres personnages, l'ambiance - tantôt sombre, tantôt plus douce ou romantique, le suspense, l'avancée du récit - tout est maitrisé et diffusé selon une prescription médicale des plus étudiée. Ni trop, ni trop peu. Juste assez pour nous rendre addict et faire que l’on en veuille plus ! Les 475 pages passant juste un peu trop vite à mon goût.

 

Accrochée dès le départ, mon cœur a eu peur pour la petite, mais, entraîné dans le récit des autres, j'en suis même arrivée à l'oublier, et de ça, je ne suis pas fière, mais l'auteur, lui, peut l'être !

 

C'est un tourbillon d'émotions que je viens de vivre ! Bluffée, menée par le bout du nez, plongée dans les misères des gens, ayant des envies de meurtres, dégoûtée par les ragots des langues de vipères qui font plus de mal que de bien, tenant fermement ma lampe de poche lorsque je cherchais la petite avec eux, me donnant l'impression que je vivais avec eux, étreignant plus mon livre lors des moments "suspense" et le refermant avec un sourire mêlant à la fois le plaisir et la tristesse.

 

Du plaisir à lire cet auteur français qui m'a fait oublier sa nationalité française, tant j'avais l'impression de lire un bon auteur "yankee" et de la tristesse à l'idée de devoir fermer ce livre une fois arrivée au mot "fin".

 

Merci Nicolas (Tu permets que je t'appelles par ton prénom après toutes les émotions que tu m'as donné ?), pour ce roman qui avait des airs de ressemblances avec les ambiances des petites villes reculées des romans du King. Oui, merci pour ce putain de magnifique roman que j’ai lu sous les bons conseils de l’ami Yvan.


PS : J'adore la couverture aussi !

 

Challenge "Thrillers et polars" de Liliba (2014-2015), Le "Challenge US" chez Noctembule et "Ma Pedigree PAL - La PAL d'excellence" chez The Cannibal Lecteur.

 

 

 

 

Titre : Grossir le Ciel


Auteur : Franck Bouysse
Édition : Manufacture de livres (2014)

Résumé :

L'abbé Pierre vient de mourir. Gus ne saurait dire pourquoi la nouvelle le remue de la sorte. Il ne l'avait pourtant jamais connu, cet homme-là, catholique de surcroît, alors que Gus est protestant.

 

Mais sans savoir pourquoi, c'était un peu comme si l'abbé faisait partie de sa famille, et elle n'est pas bien grande, la famille de Gus. En fait, il n'en a plus vraiment, à part Abel et Mars.

 

Mais qui aurait pu raisonnablement affirmer qu'un voisin et un chien représentaient une vraie famille ? Juste mieux que rien. C'est justement près de la ferme de son voisin Abel que Gus se poste en ce froid matin de janvier avec son calibre seize à canons superposés. Il a repéré du gibier. Mais au moment de tirer, un coup de feu. Abel sans doute a eu la même idée ? Non.


Longtemps après, Gus se dira qu' il n'aurait jamais dû baisser les yeux. Il y avait cette grosse tache dans la neige. Gus va rester immobile, incapable de comprendre. La neige se colore en rouge, au fur et à mesure de sa chute. Que s'est-il passé chez Abel ? 

 

Critique : 

On va finir par croire que j'ai une tendresse toute particulière pour les histoires qui ont lieu dans des coins reculés, sorte de trou du cul du monde où le temps semble s'être figé.


Venant d'un milieu rural, j'ai gardé de bons souvenirs et j'aime y retourner, même via la littérature. Le terreau est toujours propice pour y semer des mauvaises graines qui donneront un récit flamboyant avec des gens simples.


Fin janvier 2007. Les Doges, un lieu-dit perdu dans les Cévennes, deux fermes isolées, deux hommes seuls, des paysans qui possèdent peu mais ne demandent rien de plus qu'avoir la paix et à manger dans leur gamelle. Deux hommes séparés par vingt ans de différences, deux hommes qui parlent peu et apprécient cette solitude.


Gus, la cinquantaine, vit avec son chien, s'occupe de ses vaches et traite la terre avec respect. Abel, vingt ans de plus, s'occupe des siennes et, de temps en temps, ils se rendent des menus services avant de s’envoyer un coup de gros rouge, un ch'ti canon...


La terre est âpre, imbibée du sang des guerres dites "de religion" et elle forme les caractères des hommes qui la travaillent car chez eux, la tendresse, ça n'existe pas... Pas de place pour ça ou bien souvent, ils l'ont perdue à force de recevoir des coups - de pieds ou du sort.


Malgré son peu d'instruction, Gus a compris bien des choses dont une importante "L'habit ne fait pas le moine". Même si le décès de l'abbé Pierre lui retourne les sens, bien qu'il ne soit pas catholique mais protestant.


La vie rurale et les petits travaux de la ferme décrits m'ont rendue nostalgique parce qu'ils m'ont fait penser à mon grand-père. Les vaches, les vêlages, réparer une clôture... J'y étais de nouveau ! Les descriptions sont bien rendues sans appesantir le récit.


Peu de personnages, un huis-clos neigeux qui m'a rendu la gorge sèche et les mains moites tant l'auteur a su distiller son suspense.


Des non-dit, des secrets de famille, des souvenirs qui, tels des flocons de neige, pleuvent doucement sur l'histoire, nous en apprenant toujours un peu plus sans nous en dire trop, éveillant notre curiosité sur ce qui a bien pu se passer lorsque Gus allait tirer les grives et a entendu un autre coup de feu ainsi qu'un cri...


La plume de l'auteur a réussi à rendre poétique cette violence latente, cette apprêté de nos deux paysans, leur caractère bourru et leur envie de ne pas trop fréquenter leurs semblables, tout en restant humain et en cherchant tout de même le contact entre eux.


Cela a rendu la lecture simple, évidente, tout en la remplissant d'une beauté d'écriture qui m'a subjuguée. L'utilisation de quelques métaphores "fortes" a rendu le style encore plus empreint de tristesse mâtinée de poésie.


C'est riche, c'est élégant, sans jamais être lourd, sans jamais en faire trop. Bref, c'est d'une rare noblesse. Une vraie pépite, ce roman.


Les trente dernières pages se dévorent avec précipitation, tant on veut savoir ce qu'il va se passer, mais le cœur est serré.


C'est ce que j'appelle un "putain d'excellent roman" tant l'équilibre entre tout est parfait. Il est court, mais puissant et vous laissera un goût métallique dans la bouche durant un long moment.


Un roman qui marque.


Challenge "Thrillers et polars" de Canel (2014-2015)

 

 

 

Titre : Reflex
 
Auteur : Maud Mayeras
Édition : Anne Carrière (2013)

Résumé :

"Perdre un enfant est une maladie que l’on a peur de contracter. C’est une contagion dont on évite soigneusement les infectés. On change de trottoir, on les fuit à toutes jambes. De ces gens-là, je suis la peste et le choléra. Je suis leur faucheuse, leur cancer, leur 22 long rifle."

 

Iris Baudry est photographe de l'identité judiciaire. Disponible nuit et jour, elle est appelée sur des scènes de crime pour immortaliser les corps martyrisés des victimes.

 

Iris est discrète, obsessionnelle, déterminée. Elle shoote en rafales des cadavres pour oublier celui de son fils, Swan, sauvagement assassiné onze ans auparavant.

 

Mais une nouvelle affaire va la ramener au coeur de son cauchemar : dans cette ville maudite où son fils a disparu, là où son croque-mitaine de mère garde quelques hideux secrets enfouis dans sa démence, là ou sévit un tueur en série dont la façon d'écorcher ses victimes en rappelle une autre.

 

La canicule assèche la ville, détrempe les corps et échauffe les esprits, les monstres se révèlent et le brasier qu'Iris croyait éteint va s'enflammer à nouveau dans l'objectif de son reflex.

Critique : 

Put*** de bor*** de mer** !!! J'ai commencé "Reflex" lundi matin et je n'ai plus su le poser, le terminant au soir, lisant sans interruption de 18h à 22h30... Voilà pourquoi je n'étais pas sur le Net lundi 27 janvier soir, je bouffais, je dévorais, je m’empiffrais de ce livre qui m'a transporté ailleurs...

 

Monsieur Ernotte et son "C'est dans la boîte" m'avait déjà ébahie et collé un coup de pied dans les fesses, me laissant sans voix (un exploit), mais madame Mayeras vient de faire encore pire...

 

Âmes sensibles, attention ! Reflex n'est pas qu'un simple thriller, c'est aussi un roman noir. Un roman au-dessus de la moyenne et qui se lit d’une seule traite, la peur vous nouant le ventre. Certains passages, d’une rare violence, pourraient mettre les lecteurs les plus sensibles très mal à l’aise. Les plus aguerris aussi.

 

Le personnage principal, Iris Baudry, est photographe à l’Identité Judiciaire. La mort fait partie de sa vie quotidienne puisque son travail consiste à photographier les scènes de crimes avec ce qu'elles comportent de cadavres ensanglantés ou à l'état de putréfaction.

 

Notre Iris est une espèce de marginale, une frêle jeune femme qui chevauche une SuperDuke (moto), le petit bijou de chez KTM. Une pure machine à rouler sans aucun compromis, un naked bike de dingue, un moteur V2 débordant de puissance parfaitement maîtrisée ! La SuperDuke, c'est la terreur des Superbikes avec un châssis aussi maniable que précis. Pardon, je me laisse aller...

 

Dans son domaine photographique, Iris est une vraie "pro". On l'appelle et elle arrive sur son destrier au moteur ronflant.

 

Bizarre comme vie, non, de ne pas avoir vraiment de vie ? Si Iris flashouille les cadavres avec autant de verve, c’est sans doute pour oublier la mort brutale de son fils Swan, assassiné il y a 11 ans par un dingo qui purge depuis une longue peine.

 

Et voilà notre Iris de retour non loin de sa ville natale, celle qu'elle a fui et où elle aurait aimé ne jamais revenir à cause des mauvais souvenirs. C'est à sa terrible mère, un espèce de croque-mitaine maléfique, qu'elle doit un bégaiement.

 

Mais voilà, le croque-mitaine est à l'asile, plus légume qu'autre chose. Ce ne serait-il pas le bon moment pour lever enfin tous ces secrets ??

 

Bien que le début du livre soit assez "lent", impossible de s'ennuyer, on suit l'histoire, on suit les déboires d'Iris, on échafaude des théories, on tente de comprendre ce qui a bien pu se passer dans le passé.

 

Mon esprit étant pervers, je pensais dur comme fer avoir trouvé la solution et c'était toute contente de ma trouvaille que j'avais poursuivi la lecture, me disant que "savoir" ne faisait que renforcer le sentiment d'oppression présent dans le livre et je crispais mes mains de plus en plus fort sur les pages.

 

Constamment renouvelé le suspense augmente au rythme des courts chapitres - 3 ou 4 pages - dont de nombreux commencent par la même formule "je n’aime pas" souvent annonciatrice d’un nouveau drame.

 

J'ai été de surprise en surprise avec les chapitres intitulés "Silence", débutant en 1919 avec l'histoire de Julie, de son viol, de sa sa mise au ban de la société suite aux rumeurs, de sa grossesse, de son arrivée dans un orphelinat tenu par des peau de vaches de soeur, et la naissance de Lucie et sa vie dans l'orphelinat...

 

On se demande où l'auteur va nous entraîner et ce fut captivant de passer d'époque en époque et de suivre les personnages.

 

Niveau personnages, ils sont tous travaillés à la serpe, possèdent une part d'ombre et l'habit ne fait pas toujours le moine...

 

Dans ce roman, chaque rebondissement nous égare un peu plus... Oubliez vos théories, vous ne trouverez pas.

 

Mon raisonnement était pervers, mais l'auteure l'était encore plus que moi. Je pensais avoir "déduit"... Tu parles, Charles ! Tiens, prends-toi ça dans les dents !

 

Lorsque j'ai découvert toutes les révélations subtilement dosées dans les dernières pages, j'en suis restée muette durant quelques minutes, bouche ouverte, dans un "oh putain" muet.

 

Comme si mes jambes avaient été taclées d'un coup. Sur le cul, j'étais. Sonnée, groggy, soufflée, taclée brutalement, K.O.

 

D'ailleurs, je ne me suis pas encore remise du livre. En plus d'avoir été "sonnée" violemment, faut encore atteindre la dernière page, quasiment la dernière ligne pour comprendre tout le fin mot de l’histoire.

 

En tout cas, bravo à l'auteure, parce que c'était de la balle, son roman !

 

Pourtant, avec une narration au présent (ce que je déteste par-dessus tout), des phrases très courtes, commençant souvent par "je" (ce qui aurait pu être casse-gueule sans un certain talent d'écriture) et sans trop d'action au départ (ce qui aurait pu m'endormir), le pari était risqué...

 

Malgré ces petits détails qui dans d'autres livres m'énervent prodigieusement, ici, rien de tout cela ! J'ai été aspirée directement dans le livre. Je me demande d'ailleurs s'il n'y a pas des formules magiques dans les pages qui vous envoûtent et vous empêchent de le refermer...

 

Une sorte d'Alien qui sort ses tentacules pour rentrer en vous...

 

Ce livre, c'est fort, ça percute et ça t’uppercutte (celle-là, je mets un copyright).

 

Une tuerie, ce livre !! Une putain de saloperie de tuerie... un truc de fou, un coup de coeur doublé de-je-ne-sais-combien de coups de pieds au cul et de décharge de chevrotines dans mes tripes...


Maintenant que je l'ai dit, je me sens mieux...

 

Là, pour faire plus calme, j'ai entamé "L'enfant des cimetières" de Sire Cédric : Bisounours et petits poneys garantis !!

Belette Retournée

 

Challenge "Thrillers et polars" de Liliba (2013-2014).

 

 

 

Titre : Yeruldelgger
 
Auteur : Ian Manook
Édition : Albin Michel (2013)

Résumé :

Le corps enfoui d’une enfant, découvert dans la steppe par des nomades mongols, réveille chez le commissaire Yeruldelgger le cauchemar de l’assassinat jamais élucidé de sa propre fille.

 

Peu à peu, ce qui pourrait lier ces deux crimes avec d’autres plus atroces encore, va le forcer à affronter la terrible vérité.

 

Il n’y a pas que les tombes qui soient sauvages en Mongolie. Pour certains hommes, le trafic des précieuses "terres rares" vaut largement le prix de plusieurs vies. Innocentes ou pas.

 

Petit plus : Dans ce thriller d’une maîtrise époustouflante, Ian Manook nous entraine sur un rythme effréné des déserts balayés par les vents de l’Asie Centrale jusqu’à l’enfer des bas-fonds d’Oulan-Bator.

 

Il y avait la Suède de Mankell, l’Islande d’Indridason, l’Ecosse de Rankin, il y a désormais la Mongolie de Ian Manook !

 

Critique : 

De prime abord, ce roman paie tellement peut de mine qu'on hésiterait à le retourner afin de lire son résumé... Voyez vous-même sa couverture : un auteur inconnu, un personnage "hachuré" de noir, un titre imprononçable dont on ne sait trop à quel genre littéraire il pourrait appartenir...

 

Bref, à se demander si les gars du marketing avait une dent contre le roman ou s'ils n'étaient pas tout simplement pas partis en vacances ce jour là !

 

Grave erreur que cela aurait été de passer à côté !! Si à première vue sa couverture ne casse pas 5 pattes à une marmotte, une fois ouvert, ce polar noir est un véritable plaisir à lire.

 

Une copine de blog, Dominique, l'avait comparé à une yourte mongole : pas terrible de l'extérieur, mais magnifique à l'intérieur. L'image était bien trouvée !

 

Un polar noir et une action qui se déroule en Mongolie : j'étais bien servie, moi qui suis fascinée depuis toujours par ce pays.

 

Tout commence par un corps d'enfant enseveli sur son petit vélo, dans la steppe, juste après la découverte des trois cadavres de chinois, dans un entrepôt. Particularité ? On leur a coupé les testicules et leur membre viril aussi. Ensuite, nous aurons deux putes pendues...

 

Oyun cherchait les testicules du Chinois. Les testicules et le reste. Tout son bazar en fait. Pour les besoin de l'enquête, bien sûr, parce que la seule certitude à ce stade des investigations, c'était que le Chinois n'aurait plus jamais besoin de son bazar.

 

Point commun ? Aucun. Du moins, en apparence. Ce sera au commissaire Yeruldelgger de faire toute la lumière sur ses sinistres crimes, ce qui risque de ne pas être facile vu tous les bâtons qu'on lui glissera dans les pattes !

 

S'il ne m'avait pas été chaudement recommandé, je serais donc passée à côté de ce roman... J'aurais commis une grosse erreur parce que je viens de prendre mon pied durant ces quelques 540 pages. Comme quoi, on peut avoir une couverture peu attirante et être bien foutu ! (le contraire marche aussi : belle cover et contenu médiocre).

 

Lecture jouissive à plus d'un titre car l'auteur ne se contente pas de nous faire suivre l'enquête, non, il nous fait entrer dans les yourtes, nous abreuve de thé au beurre salé, nous plonge dans l'Histoire et les coutumes de ce pays qui a le cul entre deux chaises, écartelé que les habitants sont entre le modernisme et le respect des traditions qui se perd.

 

Elle tenait à hauteur des yeux une petite coupelle qu'il savait rempli de lait de la dernière traite et, d'un geste croyant et respectueux, du bout des doigts, elle en aspergeait les quatre points cardinaux. [...] Yeruldelgger ressentit une sorte de bonheur à appartenir à ce pays où on bénissait les voyageurs aux quatre vents et où on nommait les cercueils du même mot que les berceaux. Une sorte de bonheur...

 

La Mongolie a une Histoire riche, des voisins pas toujours "fréquentables" (Chine, Japon, Corée, Russie) qui lorgnent sur ses richesses enfouies et l'auteur nous la fait découvrir plus en profondeur. On ne survole pas, on rentre dedans !

 

Le commissaire Yeruldelgger est un homme torturé depuis la mort de sa petite fille, enlevée et assassinée ensuite. Sa femme s'est murée dans son monde, sa fille aînée a tourné casaque (ou "cosaque", vu le pays) et nous sommes face à un homme qui n'a plus rien perdre, ayant déjà tout perdu.

 

Yeruldelgger fait partie des richesses de ce roman, mais il n'est pas le seul, il est entouré d'une multitude de personnages secondaires assez fort, eux aussi. Il a beau être le pivot central du roman, sans les autres, Yeruldelgger n'est rien.

 

C'est aussi un homme fort, un homme qui est imprégné de la tradition, qui veut la protéger, un policier qui se bat pour son pays, malgré ses propres blessures, ses fêlures, ses démons. Un homme qui ne renonce jamais.

 

Un roman au scénario travaillé, servi par un écriture très agréable à lire, ni trop complexe, ni trop simpliste. On vit l'enquête et on ressent les coups durs avec les personnages, certaines scènes étant plus violentes que d'autres (âmes sensibles...). Le tout parsemé de quelques petites touches d'humour.

 

Chuluum se pencha sur le cadavre, à hauteur de son entrejambe, et s'approcha autant que l'horreur et la puanteur le lui permirent pour essayer de deviner ce qu'avait observé le commissaire avec tant d'attention.
- Pas la peine de lui tailler une pipe, Chuluum ! cria Yeruldelgger sans se retourner. Ça ne peut plus le ranimer et ça ne te rapportera rien !

 

J'ai eu un gros coup de coeur pour Gantulga, un petit garçon fort débrouillard (normal pour un gamin des rues). À lui tout seul, il vaut bien les Irregulars de Baker Street !

 

Mon seul bémol sera pour les "méchants" : j'ai vite compris qui était le traitre et qui tirait les ficelles. Ce qui n'a pas entamé mon ardeur à le lire, toute contente que j'étais d'avoir une longueur d'avance.

 

Un roman noir qui nous dépayse, qui en profite aussi pour glisser quelques réflexions sur la Mongolie, sur ses rapports avec l'Occident, sur les massacres des mongols et sur le fait que la Seconde Guerre Mondiale ne veut rien dire pour eux. La Shoah et d'Hitler non plus, car ils avaient à souffrir des massacres perpétrés par Staline ou Mao.

 

- Regarde. Après la guerre en France, près de vingt mille femmes ont été tondues pour avoir pactisé avec les Allemands.
- Pactisé ?
- Oui, fréquenté, couché, aimé, si tu préfères !
- Vingt mille ! Je n'avais jamais entendu parler de ça.
- Que veux-tu, philosopha-t-il, dans notre monde c'est souvent "à chacun sa misère". D'après toi, combien de Français savent que dans les années vingt, notre Baron Fou a fait ébouillanter ou jeter dans les chaudières des locomotives des milliers d'hommes et de femmes ? Les guerres sont sales, et les victoires aussi.

 

Le tout sur fond d'argent sale, de magouilles, de trafics en tout genre, de crimes et de violence.

 

Un roman qui m'a ému aussi et entrainé dans l'immensité de la steppe.

 

Pour un "premier" roman, la réussite est au rendez-vous et elle totale. Mon seul regret est de l'avoir terminé...

 

Yeruldelgger... Un type que j'aime bien et avec lequel je suis prête à enfourcher un cheval pour repartir dans les steppes mongoles.

 

Yeruldelgger Khaltar Quichyguinnkhen... Quand vous parviendrez à prononcer correctement son nom, vous aurez un chocolat en récompense !

 

Challenge "Thrillers et polars" de Liliba (2013-2014).

 

 

 

Titre : Les Temps Sauvages


Auteur : Ian Manook
Édition : Albin Michel (2015)

Résumé :

Après le sujet des terres rares, ce nouvel opus des aventures de Yeruldelgger aborde la question des relations troubles de la Mongolie avec les pays voisins, ses affaires d'état, d'espionnage et de contrebande internationale.

Afin d'échapper à un complot dont il est la cible, Yeruldelgger enquête sur la mort d'une prostituée et la disparition de son fils adoptif, tandis que ses équipiers cherchent à élucider deux morts très étranges.

 

Leurs recherches les mènent aux confins de la Mongolie, de la Russie et de la Chine, ainsi qu'au Havre, où la découverte des cadavres de 6 jeunes garçons dans un container va donner à cette affaire une toute autre dimension.

 

Critique : 

Ayant lu le premier opus des aventures du commissaire Yeruldelgger (Yerul pour les intimes), c'est avec une joie mêlée de crainte que j'ai ouvert la suite.

 

Plaisir de retrouver des personnages que j’apprécie car ils sont bien travaillés et possèdent une présence physique, mais crainte que le second volet ne soit pas aussi bien que le premier. Crainte aussi parce que j’avais lu qu’une partie de l’action se déroulerait en France.


Quoi, notre commissaire bourru en France ? Non, je le voyais mal débarquer dans le pays voisin du mien. C’est là que réside un des multiples talents de l’auteur : oui, nous avons un volet français, mais notre sale caractère de Yerul ne viendra pas admirer votre Tour Eiffel mais tout cela sera cohérent et amené avec minutie.

 

Si on prend la même casserole pour préparer la "soupe" d'aïrag (lait de jument fermenté) en utilisant les personnages connus, le résultat n'est pas le même : si la soupe est toujours aussi bonne, l'auteur a pris soin de se renouveler.

 

Yerul se retrouve avec des cadavres qui n’ont, de prime abord, aucun lien ensemble. Entre un alpiniste mort ♫ là-haut sur la montagne ♪, un cavalier mongol écrasé, avec sa monture, par un yack femelle semblant venir tout droit du ciel et une prostituée égorgée comme un goret dans une chambre d’hôtel, il n’y a pas de concordances. Impossible de faire le rapprochement.


Notre commissaire, durant son enquête, promènera sa grande carcasse dans le pays Mongol et en Russie, trainant son caractère de chien durant toutes les pages, passant même allégrement du côté Obscur de la Force. Je l’aurais bien baffé, parfois.

 

Solongo reste la personne la plus sensée du groupe tandis qu'Oyun, partenaire de Yerul chez les flics, a le feu au minou et tentera de se le faire éteindre, non pas par un pompier, mais par un beau militaire qui sent bon la neige froide (pas de sable chaud dans l'hiver Mongol). Elle aussi, je l'aurais bien baffée !

 

Sherlock Holmes a raison : "Raison et émotions ne font pas bon ménage" et si Oyun avait gardé l'esprit froid au lieu d'avoir la chatte chaude, son esprit aurait additionné deux et deux, qui font quatre. Mais ça aurait enlevé de l'humanité au personnage si elle avait été parfaite.

 

Deux fois déjà, lovés l'un contre l'autre, lui dans son dos après l'amour, il avait essayé de glisser son sexe encore bandé entre ses fesses. Deux fois elle avait détourné son geste en se retournant.

 

Malgré toutes les paires de baffes que j'aurais bien distribué, j'ai pris un pied fou durant ma lecture, me gavant de manière littéraire de la cuisine mongole (parce que la tête de chèvre bouillie, ce sera sans moi), bouffant de l'histoire et apprenant des tas de petites choses sur le Grand Frère Russe d'à côté.

 

J'ai même arpenté les rues de la ville la plus radioactive : Krasnokamensk (à vos souhaits), celle dont la prison a hébergé l'oligarque russe : Khodorkovski. Ça vous fait froid dans le dos, des villes pareilles et le pouvoir des dirigeants russes et de leurs services secrets.

 

— Autour de la mine, à vingt kilomètres d'ici, la teneur en radon est cent fois plus élevée que les normes admises. En ville, on ne mesure plus depuis vingt ans, histoire de ne pas savoir. Mais je peux te dire qu'ici, on mange de l'uranium, on boit de l'uranium, et on respire de l'uranium. Et je ne te parle pas des métaux lourds et des boues toxiques dans laquelle tu patauges dès que tu descends du trottoir.

 

— Nous sommes la seule cité russe où le cimetière est plus grand que la ville.

 

La partie qui se déroule en France est bien amenée, j'ai pris plaisir à découvrir d'autres personnages, à suivre leur enquête et à manger des bons petits plats au Havre.

 

Il n’y a pas qu’une simple enquête policière dans les romans de Ian Manook, il y a aussi une dimension humaine, des faits de société, la découverte d’un pays mal connu (ses mœurs, son Histoire, sa cuisine, sa culture, ses habitants, ses légendes, ses croyances, son hospitalité, sa misère, son dépouillement de l’uranium par les russes).

 

— La puissance soviétique a été capable, tu te rends compte ? Construire toute une ville et deux cents bornes de voies ferrées pour y amener jusqu'à cinquante mille Russes. Tu vois ce qu'il a fallu d'immeubles, de commerces, d'infrastructures pour exploiter cette putain de mine et leur piller leur uranium ? Enfin, je veux dire, ton uranium. Garder cette zone secrète, en virer les Mongols, l'effacer des cartes, l’interdire aux voyageurs. Pas étonnant qu'en retour, vous ayez été capables de vous venger comme ça.

 

Et puis, dans ce roman, il y a aussi, comme disait le philosophe belge JCVD : « du spirit ». De la spiritualité, quoi.


Sans oublier des bons mots, de l’humour noir, de la violence, de l’amour et une forte personnalité qui ressort dans toutes les pages.


Attention, ce roman se déroule en plein hiver mongol, sous les moins 30° au minimum, les fourrures sont de mises, alors, afin d’en profiter un max, évitez, comme moi, de le lire alors qu’il y a un beau soleil dehors. Ça fou une partie de l’ambiance en l’air.


Hâte de découvrir le troisième opus pour savoir comment vont évoluer les personnages que j’ai eu un peu de mal à quitter (j’ai eu peur, même, à un moment).

 

Challenge "Thrillers et polars" de Canel (2014-2015).

 

 

 

Titre : Le dernier Lapon
 
Auteur : Olivier Truc
Édition : Editions Métailié (2012)

Résumé :

L’hiver est froid et dur en Laponie. À Kautokeino, un grand village sami au milieu de la toundra, au centre culturel, on se prépare à montrer un tambour de chaman que vient de donner un scientifique français, compagnon de Paul-Emile Victor. C’est un événement dans le village.

Dans la nuit le tambour est volé. On soupçonne les fondamentalistes protestants laestadiens : ils ont dans le passé détruit de nombreux tambours pour combattre le paganisme. Puis on pense que ce sont les indépendantistes sami qui ont fait le coup pour faire parler d’eux.

La mort d’un éleveur de rennes n’arrange rien à l’affaire. Deux enquêteurs de la police des rennes, Klemet Nango, le sami, et son équipière Nina Nansen, fraîchement émoulue de l’école de police, sont persuadés que les deux affaires sont liées.

Mais à Kautokeino on n’aime pas remuer les vieilles histoires et ils sont renvoyés à leurs courses sur leurs scooters des neiges à travers l’immensité glacée de la Laponie, et à la pacification des éternelles querelles entre éleveurs de rennes dont les troupeaux se mélangent.

Petit Plus : Dans une atmosphère à la Fargo, au milieu d’un paysage incroyable, des personnages attachants et forts nous plongent aux limites de l’hyper-modernité et de la tradition d’un peuple luttant pour sa survie culturelle.

Un thriller magnifique et prenant, écrit par un auteur au style direct et vigoureux, qui connaît bien la région dont il parle.

Critique : 

Après les steppes de Mongolie (Yeruldelgger), j'ai mis le cap sur la Laponie, ses hivers où les températures avoisinent les -30/40°, sa neige, ses nuits sans fin et ses minuscules heures d'ensoleillement car, je vous le donne en mille, l'action du roman se déroulait au mois de janvier. Point de vue lumière en janvier, nous n'avons pas été gâté.

 

Ici, les nuits étaient longues... Des nuits aussi sombres que l'enquête à laquelle se sont retrouvés confrontés notre police des rennes.

 

Nous sommes à Kautokeino. Quel rapport peut-il y avoir entre un ancien tambour sami qui a été volé à même sa caisse d'emballage et la mort d'un éleveur de rennes ? À priori, aucun rapport... Pourtant, les voici confronté à un vol et à la mort de Mattis Labba, retrouvé poignardé près son guppi (sa cabane). Comble de l'ironie, ses oreilles ont été tranchées.


Klemet Nango de la police des rennes - unique flic sami de la ville - et Nina Nansen, sa nouvelle coéquipière toute fraichement issue de l'école de police du sud de la Norvège, vont devoir dénouer ce sac de noeud le plus vite possible : le vol du tambour fait gronder une partie de la populace car il a une grande valeur.

 

Sur fond de tension entre les samis - peuple originaire de Laponie, minoritaire - et une partie de la population norvégienne qui en a marre des privilèges que leur gouvernement leur accorde, nos deux policiers auront du renne sur la planche !

 

Roman assez noir,  non pas en raison du meurtre ou de la courte durée d'ensoleillement mais de par l'Histoire de la Laponie qui est abordée ici.

 

Entre les "gentils" colonisateurs qui voulaient toutes les richesses de la région et ont pris la population sami pour corvéable et tuable à souhait, avec les "gentils" évangélisateurs protestants qui leur ont fait renier leurs rites et leur religion, sans omettre les norvégiens qui ont scolarisés les enfants sami, leur interdisant de dire un seul mot dans leur langue d'origine, on ne peut pas dire que le lecteur a eu le loisir de regarder le soleil se lever après quelques mois de nuit noire. On en prend plein la gueule !

 

Si vous aimez les récits dopés au Red Bull, passez votre route car ici, le rythme est lent, tout en étant bien fourni car je n'ai pas eu un instant d'ennui ou le petit bâillement.

 

L'écriture est agréable à suivre, riche, envoutante, les pages défilaient sans que j'ai l'impression du temps qui passait.

 

Le récit, c'est un peu comme les pièces éparses d'un puzzle : au départ, tout est flou, mélangé, on ne voit pas à quoi on a affaire, ensuite, à force d'assembler des pièces, l'image se met peu à peu en place et de flou, on passe à quelque chose qui prend doucement forme, jusqu'à ce que les dernières pièces vous révèlent une trame complexe.

 

Les personnages sont attachants : Klemet, le flic taiseux, l'air blasé, sombre et sa jeune collègue toute fraiche, remplie d'idéaux et de soif de justice, en passant par Aslak, éleveur de rennes à l'ancienne, qui m'a profondément émue.

 

Dommage que les méchants soient affichés clairement d'entrée de jeu, même si j'ai eu tout de même des surprises.

 

Bref, le mélange de tous les ingrédients donnent une bonne soupe bien nourrissante, qui nous réchauffe malgré le froid et les engelures que j'ai récoltée à force de me coltiner sur des scooter des neiges avec nos policiers. J'ai eu du mal à déposer le roman une fois que j'ai eu fini...

 

Challenge "Thrillers et polars" de Liliba (2013-2014) et Lire "À Tous Prix" chez Asphodèle (Prix Quai du Polar 2013 et Prix Mystère de la Critique 2013).

 

 

 

Titre : Le détroit du Loup


Auteur : Olivier Truc
Édition : Métailié Noir (2014)

Résumé :

Hammerfest, petite ville de l’extrême nord de la Laponie. Les bords de la mer de Barents, le futur Dubai de l’Arctique… Tout serait parfait s’il n’y avait pas quelques éleveurs de rennes…


L’histoire se déroule au printemps, quand la lumière ne vous lâche plus, obsédante. Autour du détroit du Loup qui sépare l’île où se trouve Hammerfest de la terre ferme, des drames se nouent.


Alors que des rennes traversent le détroit à la nage, un incident provoque la mort d’un jeune éleveur. Peu après, le maire de Hammerfest est retrouvé mort près d’un rocher sacré qui doit être déplacé pour permettre la construction d’une route longeant le détroit. Et les morts étranges se succèdent encore.


À Hammerfest, les représentants des compagnies pétrolières norvégiennes et américaines ont tout pouvoir sur la ville, le terrain constructible est très convoité, ce qui provoque des conflits avec les éleveurs de rennes qui y font paître leurs animaux l’été.


Les héros de ce grand centre arctique de la prospection gazière sont les plongeurs, trompe-la-mort et flambeurs, en particulier le jeune Nils Sormi, un plongeur d’origine sami.


Klemet et Nina mènent l’enquête pour la police des rennes. Mais pour Nina, troublée par les plongeurs, une autre histoire se joue, plus intime, plus dramatique. Les jeunes plongeurs qu’elle découvre lui rappellent ce père scaphandrier qui a disparu depuis son enfance.


Subissant cette lumière qui l’épuise, elle va partir à la recherche de ce père mystère, abandonnant Klemet à sa mauvaise humeur, à ses relations ambiguës avec son ombre.


Et c’est une police des rennes en petite forme qui va faire émerger une histoire sombre venue des années 1970, dévoilant les contours d’une patiente vengeance tissée au nom d’un code d’honneur venu d’un autre monde, montrant à quel prix a été bâtie la prospérité de la région.

Deuxième roman d’Olivier Truc, Le détroit du Loup confirme les talents de raconteur d’histoire de l’auteur et sa capacité à nous emmener sur des terrains insoupçonnés.

Critique : 

Hammerfest, vous connaissez ? Mais non, ce n'est pas le nom d'un groupe de heavy metal !


Hammerfest, c'est une petite ville située dans l’extrême nord de la Laponie, sur les bords de la mer de Barents,  en Arctique…  Là où certains aimeraient faire un autre Dubai (en version polaire) à cause de tous les hydrocarbures qui s'y trouvent.


Rien à voir donc avec le groupe de metal "HammerFall".


Quoique de par sa construction et son côté "je suis un polar mais pas que ça", ce roman pourrait avoir quelques liens de parenté avec ce genre de musique qui possède des sonorités lourdes et épaisses, le tout étant centré sur les impulsions de la batterie. Pardon, je voulais dire "du tambour traditionnel sami".


D'un côté, nous avons du blues avec le peuple sami qui oscille entre traditions ancestrales et modernité, ces éleveurs de rennes, sans cesse en butte avec les autres habitants,  et qui, dans leurs joïk (chants traditionnels), pourraient chanter toute leur misère à voir les espaces pour les troupeaux se réduire comme une peau de chagrin à cause de tout ceux qui voudraient les voir dégager totalement du paysage.


Le roman a un côté rock aussi, parce que, sous ses airs de lenteur délibérée, les guitares électriques peuvent se déchainer dans vos tripes lors de la lecture de certains passages qui, sans vouloir vous faire la morale, frapperont quand même sous la ceinture.


Klemet et Nina, nos deux flics que nous avions découvert dans le roman précédent, nous en apprendrons un peu plus sur eux, tout en nous présentant d'autres personnages, dont certains sont des vrais requins d'eaux troubles et pas nettes.


L'enquête ne sera pas facile, les morts se succédant sans que l'on puisse déterminer si c'est un accident, un suicide déguisé ou véritablement un meurtre que l'on a maquillé.


Si le premier roman se déroulait dans le noir presque total (on sortait de la saison où le soleil ne se lève plus durant des mois), celui-ci bénéficie d'un ensoleillement énorme puisque nous finissons avec plus de 23h de clarté avant de se diriger lentement vers le moment où le soleil ne se couchera plus.


Durant de la lecture, on sent bien que l'auteur est familier du coin, des mœurs, des habitants, des éleveurs, du contentieux entre certains et des vieilles rancœurs...


D'ailleurs, on sent aussi le journaliste, qui, sous le couvert d'un roman, pourfend là où ça fait mal afin de dénoncer certaines pratiques.


Ben oui, nous, dans les pays sois-disant "développés", on ne se pose jamais la question de savoir d'où viennent les matières premières utilisées par notre société de sur-consommation, sur les métaux précieux utilisés dans nos I-Thunes, smartphones et autre PC ou sur la manière dont est extrait le pétrole dont nous remplissons nos réservoirs.


On se fiche pas mal des conditions de travail de certains, tant que nous avons ce que nous désirons. Si certains sont exploités, ce n'est pas notre problème. Et si des gens risquent leur vie pour que nous ayons de l'Or Noir dans nos réservoirs, nous n'en avons même pas conscience.


Attention, je ne parle pas des pionniers du pétrole de l'époque du colonel Drake (celui qui fora le premier véritable puits de pétrole américain en 1859, près de Titusville). Non, non, je parle des années 80 à nos jours. Cette époque où l'argent est Maître, et non serviteur. Cette époque qui veut que certains s'enrichissent très vite au détriment des autres et de toutes les règles.


Mensonges, tromperies, manipulations, argent sale, écologie, réchauffement climatique, pollution, morts, plongée sous-marine et médecins se comportant comme des petits Mengele zélés sont au menu de ce roman qui laisse les codes habituels du polar au vestiaire.


Ne vous attendez pas à un thriller, ça ne court pas dans tous les sens, on prend son temps parce que tout ça doit mijoter.


L'écriture glisse comme un traîneau sur de la neige bien tassée et on mange le livre comme un renne affamé se jetterait sur du lichen.


Un excellent moment de lecture et une belle plongée en eaux froides, au sens propre comme au figuré.


Challenge "Thrillers et polars" de Canel (2014-2015) et le Challenge "Nordique" chez Mes chroniques Littéraires.


 

 

Titre : Trait bleu


Auteur : Jacques Bablon
Édition : Jigal (2015)

Résumé :

Ça ressemble à l’Amérique, là où les vivants barbotent dans les grands lacs et les morts dans des baignoires remplies d’acide…

"Tout a commencé quand on a retrouvé le corps de Julian McBridge au fond de l’étang que les Jones avaient fait assécher pour compter les carpes. Ils auraient plutôt eu l’idée de repeindre leur porte de grange ou de s’enfiler en buvant des Budweiser et c’était bon pour moi. McBridge n’était pas venu ici faire trempette, ça faisait deux ans que je l’avais balancé là par une nuit sans lune avec un couteau de chasse planté dans le bide. 835 carpes et 1 restant de McBridge. Les Jones avaient un cadavre sur les bras, ils ont commencé à se poser les questions qui vont avec…"

 

Critique : 

Je le dis toujours, ça peut être court et super intense. Je parlais de romans, bien entendu. What did you expect ??


Si je devais décrire ce roman noir en peu de mots, je dirais : fou, déjanté, OLNI et jouissif.


Ici, pas de préliminaires, on entre direct dans le vif du sujet, à savoir la découverte d'un corps dans un lac rempli de carpes... Et ces salopes étaient restées muettes sur le fait qu'elles avaient un squatteur dans leur lac !


Alors on pense que tout est plié avec la condamnation de notre personnage principal et narrateur - dont nous ne connaitrons jamais le nom. Et bien non, loin de là ! Les péripéties ne font que commencer.


Quoi que l'on pense, rien n'est joué, rien n'est plié, tout est possible dans ce roman, même le fait de sympathiser avec un cochon et une poule.


Ce roman noir, c'est un truc de ouf, un récit à la première personne du singulier, une manière de s'exprimer peu orthodoxe (à la Max Dembo de "Aucune bête aussi féroce), remplie d'ironie, sans couenne pour adoucir le langage, et ça lui va comme un gant.


Nous et ce gus, on évoluait pas dans la même couche de la stratosphère, on captait pas pareil les infos environnantes, on pâturait pas dans le même champ de conscience.


Dans ce roman, tout le monde est un peu à la masse ou à la ramasse avec quelques cas sociaux qui finissent par nous donner la pêche et auxquels on s'attache.


Un récit drôle, brutal, ironique, sans fioritures, sans adoucisseur de langage. Des situations coquasses et des personnages aussi barjots l'un que l'autre.


C'est court, c'est vite lu, c'est intense comme un expresso et c'est jouissif !

 

Challenge "Thrillers et polars" de Sharon (2015-2016) et Le "Challenge US" chez Noctembule.

 

 

 

Titre : Back Up

Auteur : Paul Colize
Édition : Manufacture De Livres (2012) / Folio (2013)

Résumé :

Quel rapport entre la mort en 1967 des musiciens du groupe de rock Pearl Harbor et un SDF renversé par une voiture à Bruxelles en 2010 ? Lorsque l'homme se réveille sur un lit d'hôpital, il est victime du Locked-in Syndrome, incapable de bouger et de communiquer.

 

Pour comprendre ce qui lui est arrivé, il tente de reconstituer le puzzle de sa vie. Des caves enfumées de Paris, Londres et Berlin, où se croisent les Beatles, les Stones, Clapton et les Who, à l'enfer du Vietnam, il se souvient de l'effervescence et de la folie des années 1960, quand tout a commencé...

 

Critique : 

Comment arriver à vous parler de ce livre qui vient de m'emporter au bon vieux temps du rock'n roll ? Exercice peu évident, je dois bien vous l'avouer, parce que je ne sais pas par quoi commencer pour vous parler de ce livre qui été une super belle découverte... Un premier coup de coeur de l'année 2014.

 

Bon, je vais commencer par vous parler de ces trois histoires parallèles qui, telle la DeLorean du docteur Emmet Brown, m'ont fait voyager dans le temps, les récits alternant entre les années 50, les sixties et 2010.

 

1. En 1967 à Berlin, les membres d'un obscur groupe de rock - Pearl Harbor - sont assassinés les uns après les autres : meurtres maquillés en accidents, suicides,... Déjà, ça titille ma curiosité parce qu'une fois, c'est un accident, deux fois, c'est une coïncidence, trois fois, ça pue... Alors quatre morts !


2. En 2010, un SDF est renversé par une voiture devant la gare du Midi à Bruxelles. Gravement touché, entièrement paralysé, il est victime du Locked-in syndrome (syndrome d'enfermement). Il est juste capable de cligner des yeux, mais il semble refuser de répondre aux questions.


Il est classé sous X-Midi. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il avait un mystérieux "A20P7" écrit sur une main.

 

3. On suit son histoire.

 

Dès le départ, on sent bien qu'il va y avoir un moment où les histoires de 1967 et de 2010 vont se télescoper et qu'on saura enfin le rapport entre ces deux affaires.

 

Le télescopage se fera en douceur, l'histoire se construisant pierre par pierre, mais ce fut "waw". Impossible à lâcher.

 

Maintenant, je sais ce qu'est un Back Up dans le monde de la musique et je sais aussi qu'un simple geste, un simple truc, peut tout faire changer... Dans ce cas-ci, ce ne fut pas un changement en bien.

 

Parlons ensuite de la plume de Paul Colize, qui,  sans être ronflante, sans chercher à nous épater par ses connaissances, nous emporte avec un style bien à lui. Un style au-dessus de la moyenne, je trouve. Je ressors de ma lecture avec un bagage culturel plus fourni.

 

Venons-en à la construction du récit : les changements d'époque sont bien trouvé, bien orchestrés, mais on saute dans les époques parfois tellement vite que je n'avais pas le temps de m'adapter et il me fallait quelques secondes pour reprendre mes esprits et me dire que là, j'étais dans les sixties ou, dans les 2010... Broutille !

 

Malgré tout ces sauts temporels, le récit garde sa cohérence, il forme un tout. L'auteur a écrit son opéra, et, tel un chef d'orchestre, il supervise le tout, développant son histoire sans se presser, tout en gardant le suspense, tout en nous appâtant.

 

Un roman fort parce que, merde, c'est tout l'histoire d'une génération qui est décrite dans une partie du roman ! Et d'une manière des plus agréable à lire.

 

Par contre, ceux qui veulent de l'action qui crépite, allez voir ailleurs, ici, on prend le temps de suivre les pensées de X-Midi qui revit toute son enfance, sa jeunesse des années 50 avec la naissance du rock et sa découverte, son service militaire, qu'il ne fera pas et son exil à Paris, avant de passer à Londres.

 

Un roman sombre. Ce livre, c'est... Dingue ! Voilà le mot que je cherchais. La vie de ce type dont nous ne savons pas le nom au départ est tout simplement dingue, riche en rencontres musicales et en prise de substances illicites en tout genre.

 

Durant la lecture, j'ai côtoyé du beau linge : les Beatles, les Rolling Stones, Clapton, avec qui j'ai fait quelques riffs de guitare...

 

Moi qui aime le rock et les chanteurs des années 60, c'était le pied. Bien que ce ne soit pas ma génération, ma mère avait pour habitude d'écouter à la radio l'émission "Les Vieux Machin" qui ne passait que des vieux standards du rock, des chansons des années 60-70 (sur Radio 21, si je me souviens bien). Bref, j'en connais un morceau !

 

Niveau personnages aussi, ce livre est bien fourni. Notre narrateur malgré lui est un jeune homme attachant, malgré toutes ses erreurs et ses errements. Ses amis rencontrés aussi, j'ai eu un faible pour le jeune Birkin (rien à voir avec la chanteuse).

 

Au final ? Un sacré cocktail de rock, drogues, alcool, complot, guerre du Vietnam... Un polar noir qui prend le temps de se développer mais qui vous accroche direct.

 

Une fois en main, impossible de lâcher !

 

Challenge "Thrillers et polars" de Liliba (2013-2014) et challenge Lire "À Tous Prix" chez Asphodèle (Prix Saint-Maur du polar en poche 2013, Catégorie Polars).

 

 

 

 

Titre : Derrière la haine
 
Auteur : Barbara Abel
Édition : Pocket (2013)

Résumé :

D'un côté, il y a Tiphaine et Sylvain, de l'autre il y a Laetitia et David. Deux couples, voisins et amis, fusionnels et solidaires, partageant le bonheur d'avoir chacun un petit garçon du même âge. Maxime et Milo grandissent ensemble, comme des jumeaux. Jusqu'au drame. Désormais, seule une haie sépare la culpabilité de la vengeance, la paranoïa de la haine...

Petit Plus : Barbara Abel n'a pas son pareil pour distiller l'angoisse, manipuler le lecteur, multiplier les rebondissements... jusqu'à la conclusion, noire à souhait.

Un roman noir, très noir. De ces livres qui oppressent, donnent des frissons, ne laissent pas intact.

 

Critique : 

Derrière la haie, il y a la haine... Mais il n'en fut pas toujours ainsi... Il fut une époque, pas si lointaine, où les Brunelle et les Geniot étaient les meilleurs amis du monde. Deux couples, deux enfants nés à trois mois d'intervalles. Presque une famille.

 

Pour peu, on se croirait au Pays Enchanté... Si ce n'était que l'auteure, dans son prologue, nous donne un aperçu de ce que deviendront les relations amicales des deux couples, 7 ans après.

 

Au moins, ça rassure le lecteur en recherche de frissons, parce que ensuite, ça pétille de gentillesse et de joie de vivre. Quoique... De temps en temps, on sent des tensions, des frictions, des secrets honteux confiés un soir de beuverie. Il y a aussi les petits reproches fait à l'un ou à l'autre sur l'éducation des enfants.

 

Bref, tout baigne dans leurs vies jusqu'à ce que, un jour : "bardaf, c'est l'embardée !". Le jour du drame, tout s'effrite et commence à partir en coui****.

 

Ceci n'est pas un thriller où on court dans tous les sens, mais une sorte de huis-clos entre deux couples, avec juste quelques intervenants.

 

Pour ce qui est des frissons et des angoisses, l'auteure joue avec nos nerfs, dissimule des indices dans ses pages, nous fait pencher pour un couple, avant que nous ne fassions machine arrière en se disant que, décidémment, l'autre couple a plus la tête sur les épaules...

 

Vous l'avez compris, entre les deux couples, notre raison balancera jusqu'à ce que nous ne sachions plus très bien à quels saints nous vouer tant l'auteur aura joué avec nous.

 

Parlons-en, de nos deux couples : ce sont des gens ordinaires, simples, avec leurs soucis, leurs secrets, leurs faiblesses, leurs forces, leurs passé, pas toujours très joyeux. Des gens crédibles, quoi !

 

J'avais pensé à une fin... me suis plantée parce que l'auteure fut encore plus vicieuse et sadique que je ne le pensais. Une vraie peau de vache ! Et ceci ne sont pas des insultes, mais des éloges !

 

Vlan dans mes dents... Une chose est sûre, si je croise Barbara Abel au détour d'une allée d'un salon du livre, je fuirai, parce qu'on est jamais trop prudente !

 

Challenge "Thrillers et polars" de Liliba (2013-2014).

 

 

 

Titre : Le passager de la pluie
 
Auteur : Sébastien Japrisot
Édition : Gallimard (1998) /Folio Policier

Résumé :

Une petite station balnéaire en automne. Une jeune femme sage, au bonheur sage, mariée à un navigateur aérien : Mellie.

 

Un soir de pluie, toute sa vie bascule : le passager d'un autocar qui n'amène plus personne la surprend chez elle, l'attache sur son lit, la violente. Ce qui se passe ensuite, au cours de cette nuit de cauchemar, Mellie seule le sait et ceux qui liront ce livre.

 

Mais, le lendemain même, arrive au village un Américain mystérieux, qui la traque, aussi tranquille et dangereux qu'un félin : Harry Dobbs.

 

Entre eux commence un face-à-face qui va durer quatre jours, intense et sans merci, un duel où toutes les tricheries sont permises, où tous les coups font mal. A tout moment, l'un ou l'autre pourrait gagner. L'inquiétant M. Dobbs est malin et il a beaucoup d'atouts.

Critique :

Charles Bronson donnant la réplique à Marlène Jobert... Le film "Le passager de la pluie" (1970), je l'avais vu il y a longtemps, une fois où il était passé à la télévision et c'était mon père qui m'avait conseillé de le regarder avec lui. Dernièrement, je suis tombée sur le livre et j'ai décidé de le lire.

 

Le livre est pareil au film, le scénario étant de Japrisot, l'auteur du livre.

 

Le déroulement du roman est pareil aussi à un épisode du lieutenant Columbo puisque nous connaissons le nom du coupable :Mélie... malgré tout, le livre est prenant parce qu'il y a un détail important dont le lecteur n'est pas au courant et qui fait monter la tension... De plus, on ne sait pas comment Mélie va s'en sortir et si elle va s'en sortir.

 

Mélie (Marlène Jobert) est la jeune épouse de Tony, pilote de l'aviation civile, souvent absent. Leur maison est à l'écart de la ville, en bord de mer.

 

Un soir, Mélie est agressée chez elle et violée par un inconnu. Elle le tue et elle se débarrasse du corps en le jetant d'une falaise. Ni vu, ni connu.

 

Le lendemain surgit un personnage mystérieux : Harry Dobbs (Bronson), un américain, qui s'introduit lui aussi dans la maison de Mélie et s'intéresse de très près à l'affaire dont il semble tout savoir ou presque.

 

Véritable harceleur envers Mélie, il lui pose des tas de questions qu'elle ne comprend pas, jouant avec elle comme un chat avec une souris puisqu'il connaît une partie des réponses.  Mais sait-il tout ou joue-t-il au bluff ?

 

S'engage alors une rude partie entre Mélie et Dobbs, parfois brutale, parfois plus tendre.

 

Partie tendre quand il la surnomme "Love Love" comme noté sur son tablier; brutale quand il la menace d'un Luger...

 

Cette "partie de poker" où Mélie ne voulait pas jouer devient un face-à-face où aucun des deux ne peut baisser la garde, un mano à mano dont l'enjeu demeure inconnu, un duel où les coups bas sont permis.

 

Et durant tout ce temps, la police enquête, elle aussi, et Mélie commence à avoir la sueur qui lui coule le long de l'échine dorsale, le lecteur aussi.

 

Le seul inconvénient du livre est d'être écrit comme un scénario de film et donc, d'avoir les noms des protagonistes devant chacun de leurs dialogues, comme dans une pièce de théâtre. J'ai eu un peu de mal au départ, et puis, mes yeux ont gommé les noms et les dialogues incisifs se sont succédés sans aucun problème.

 

Bien que l'on sache que Mélie a tué le dingue qui l'avait violée, le tout est de savoir ce que Dobbs sait vraiment, comment il va la coincer, et s'il va la coincer, aussi !

 

Un retournement de situation à la fin met le lecteur sur les genoux, comme Mélie.

 

L'écriture est incisive, les dialogues super, les personnages énigmatiques, on ne sait pas tout sur eux, mais ils nous sont sympathiques, surtout Mélie et Harry Dobbs.

 

J'ai aimé la manière dont Mélie a réglé son problème, sa manière de tenir sa langue, ses blessures d'enfance et le caractère brutal de Dobbs (Bronson allait bien dans le rôle), sa manière d'enquêter et d'arriver devant elle en sachant toutes les réponses, ou presque.

 

Le roman est court mais il est bon ! Et comme je ne me souvenais plus de tous les détails du film, j'ai eu droit à la surprise du chef avec le petit coup bas... Excellent !

 

Livre particpant au Challenge "Thrillers et polars" de Liliba (2013-2014) et le Challenge "La littérature fait son cinéma - 3ème année" de Kabaret Kulturel.

 

 

 

Titre : L'homme qui a vu l'homme
 
Auteur : Marin Ledun
Édition : Ombres Noires (2014)

Résumé :

Pays basque nord, janvier 2009. La tempête Klaus vient de s'abattre sur la façade atlantique. Les rumeurs autour de la disparition d'un militant basque, Jokin Sasko, enflent.


Iban Urtiz, reporter, comprend que cette affaire n'est pas un cas isolé. La jeune Eztia, soeur du disparu, lui ouvre les portes d'un monde de mensonges et de trahisons où enlèvements, tortures et séquestrations sont devenus les armes de l'ombre.


Tandis que deux tueurs tentent d'étouffer la vérité, la vie d'Iban bascule dans une guerre sans pitié qui ne dit pas son nom.

Critique : 

Si je dis "Euskadi Ta Askatasuna", vous risquez de me répondre "À tes souhaits" ou me dire que ma pharyngite de cet hiver 2014 est carabinée.

 

Et si je vous disais que cela veut tout simplement dire "ETA", vous... Hé, revenez, personne ne va faire sauter Babelio !

 

Utilisant un fait divers véridique, l'auteur nous a pondu une histoire qui tient la route et qui risque de vous coller aux basques durant un certain temps tant le récit est fort, profond et si contemporain.

 

Les dix premières pages sont assez dures puisqu'elles nous racontent ce qu'il s'est passé le soir de la disparition de Jokin Sasko. Passages à tabac, violences, tortures, tout est bon jusqu'à ce que... ça dérape et aille trop loin.

 

Sa sœur Eztia s’inquiète, la police s'en mouche le Mohican et ce sont deux journalistes, Marko Elizabe et Iban Urtiz - que tout oppose - qui vont déterrer l'os en enquêtant sur cette disparition qui n'est pas la première, à ce qu'on dit.

 

Deux journalistes qui cherchent à résoudre une disparition, ça risque d'emmerder beaucoup de gens et les bâtons dans les roues seront nombreux... vu que nous sommes au Pays Basque, ça pourrait même être une bombinette dans la bagnole.

 

Mais attention, les plus terroristes ne sont pas toujours ceux que l'on pense...

 

Les personnages sont réalistes, ni des héros, ni des pleutres, juste des gens qui veulent connaître la vérité. Quant au récit, qui prendra sont temps pour atteindre sa vitesse de croisière, il tient la route. On a l'impression de lire un documentaire sur une partie des événements qui se sont passés dans la région, à l'époque de l'ETA, avec tout ce qui va avec : magouilles, fausses infos et compagnie.

 

C'est romancé, mais c'est un récit que l'on sent empreint d'un réalisme qui m'a fait frémir.

 

Ce qui fait froid dans le dos, c'est le fait que pour lutter contre des terroristes, on applique les mêmes règles qu'eux, autrement dit, "pas de règles", hormis la terreur ou alors des méthodes dignes de barbouzes.

 

Là où on tremble un peu plus, c'est quand on sait que c'est organisé par l'État... Le côté sombre, celui qui n'est pas beau à voir et à cent lieue de ce qu'un État à le droit de faire.

 

Si vous trouvez que le début est un peu lent à se mettre en place, ne vous en faites pas, votre plongée dans des eaux troubles et noires ne tardera pas et à ce moment là, vous regretterez de ne pas avoir chaussé votre masque.

 

Et si vous entendez des voix lors de votre lecture, ce sont celles de tous les disparus qui hurlent pour être entendus afin que justice soit faite.

 

Puisque Iban Urtiz aime Guns'n Roses et que leurs chansons ponctuent l'histoire, je terminerai par deux chansons du groupe : ♫ Don't you cry tonight ♪ There's a heaven above you baby (Don't Cry - Use Your Illusion I) et ♫ It's a perfect crime ♪ Goddamn it it's a perfect crime ♪ Motherfucker it's a perfect crime ♫ (Perfect Crime - Use Your Illusion I).

 

Oui, leurs crimes étaient parfaits puisque la majorité des gens s'en foutent et ne s'intéressent qu'à leurs petits quotidiens et chacun sa merde, hein.

 

Un roman prenant... une voix dans ce silence trop pesant qu'est cette guerre sans nom.

 

Challenge "Thrillers et polars" de Canel (2014-2015) et "Ma Pedigree PAL - La PAL d'excellence" chez The Cannibal Lecteur.

 

 

 

 

Titre : Et ils oublieront la colère


Auteur : Elsa Marpeau
Édition : Gallimard (2015)

Résumé :

Été 1944. Une femme court dans la campagne icaunaise. Elle cherche à échapper à la foule qui veut la tondre.


Été 2015. Un homme a été tué près d’un lac. La gendarme chargée de l’enquête soupçonne que son meurtre est lié à une tonte, qui a eu lieu soixante-dix ans plus tôt.


Entre aujourd’hui et hier, les destins s’entremêlent mais les protagonistes ne s’en souviennent plus – ils ont oublié la colère, les jours de liesse et la cruauté des vaincus contre ceux de leur camp, lors de la Libération. L’enquête va exhumer ce passé dont plus personne ne veut se rappeler.

 

Critique : 

♫  J'ai eu des illusions et puis des certitudes, et comme au casino j'ai tout perdu d'un coup... ♪ [1]

 

Oui, dans ma vie j'ai eu des illusions. Toute jeune, je les ai cru tous résistants ! Pleins de résistants au milieu de très peu de collabos.

 

Et puis, le grand Charles l'avait dit, non ?

 

À entendre les Français, personne n’a jamais eu de collabos dans sa famille, pas même de pétainistes, ils étaient tous résistants ou, du moins, sympathisants du général de Gaulle.

Et malgré les vingt mille femmes tondues, on n’en retrouve plus aucune, ni d’ailleurs de tondeurs, comme si tous avaient disparu de la surface de la terre.

 

Banqueroute totale ! Peu de résistants, beaucoup de Naphtaliens et une fois la Libération, tout à coup, tout le monde avait résisté, même les délateurs de voisins.

 

L'auteur à l'art et la manière de retourner le couteau dans une plaie qui a du mal à cicatriser car on a bâti un monde libre sur des crânes rasés et des comportements indignes.

 

J'ai eu le coeur serré durant certaines scènes tant la honte de ces femmes était prégnante et tant l'imbécilité des autres était flagrante. Qu'on reste planqué, je peux comprendre, mais qu'on dénonce les voisins ou qu'à la fin on se comporte comme pire que l'occupant, ça ne me rend pas fière vis-à-vis de certains humains.

 

Les chapitres se déroulant en 2015 sont entrecoupés de quelques uns se passant durant la Seconde Guerre Mondiale. On retrouve même des protagonistes sur les deux époques, ainsi que leurs descendants.

 

Mais quel est l'horrible secret qu'ils cachent ?? Un ogre, une sorcière, un bouilleur d'enfants ?? (Godefroy de Montmirail, sors de ce corps !).


J'ai eu des illusions et des certitudes dans ce roman... Certitudes car j'étais certaine d'avoir compris et résolu l'affaire avant la gendarmette Garance Calderon, personnage au passé trouble, soit-dit en passant.


Oui, je savais QUI avait tué Mehdi Azem et QUI il était réellement. Oui, je pensais tout savoir, pétrie de certitudes que j'étais mais comme durant un tour de magie, j'ai été illusionnée et bardaf, c'était pas Moutarde dans la biblio !


Illusions aussi sur certains faits qui me titillent un peu aux entournures si je commence à creuser un peu. La gendarmette qui creuse dans la propriété à la recherche d'un corps, seule, sans rien pour ramasser les preuves ou sécuriser la scène... Horatio en aurait avalé sa paire de lunettes de soleil !


Problème aussi avec cetains faits... que je ne puis tous étaler au grand-jour. Bon, un gamin de 17 ans qu arrive à se faire passer pour un curé auprès des Fridolins, je me dis qu'ils avaient besoin d'une visite chez Afflelou !


Autre chose, si je devais tuer un homme endormi, je ne choisirais jamais un  fusil ! Peu maniable, déjà, et surtout, le recul ! On fait ça avec un révolver que diable !


Et puis, que fout un Fritz tout seul dans une maison ? Il nous faisait un remake de la célèbre tenaille de la 7ème Compagnie ? De plus, c'est à croire que ce casque à pointe avait demandé une situation et pas du travail parce qu'il se la coule douce, le mec !


Pourquoi diable les villageois en ont-ils eu après Marianne alors que tout le monde savait qu'elle aimait pas les occupants ?? Je veux bien que l'être humain, lorsqu'il est en groupe, devient con, mais là...


Il y a dans cette histoire des tas de petits détails qui clochent et qui me font enlever une étoile au Guide Beletien ! Le diable se cache dans les détails et les détails ont leur importance !


Sinon, l'écriture se lit toute seule, le roman est court, intense, on ne s'embête pas, les personanges sont assez bien fichus, certains sont très mal fichus dans leur vie, mais bon, chacun fait ce qu'il veut de sa life...


Un proverbe à tirer ? Quand le chat occupant fut parti en courant, les petits rats délateurs n'eurent plus peur et tondirent les petites souris délatrices. Qu'elles soient innocentes ou coupables, on s'en moque, le tout est de tondre le bouc émissaire afin de laver nos propres péchés et vilaines lâchetés.


Au final ? Une enquête contemporaine avec un cadavre tout frais et un Cold Case menée par une gendarmette moins sympathique que la blonde Lilly Rush.


Une enquête où le passé et le présent s'entremêlent pour danser une gigue endiablée mêlée à un tango sensuel, le tout sur un air de Faust-semblant.


Ami lecteur, laisse tomber tes illusions et tes certitudes... malgré les petits détails qui clochent, j'ai été bluffée.

 

[1] "Casino" Michel Sardou (1998)

 

Challenge "Thrillers et polars" de Sharon (2015-2016).

 

 

 

Titre : Total Khéops


Auteur : Jean-Claude Izzo
Édition : Gallimard (1995)

Résumé :

Les morts s'accumulent à Marseille : d'abord Manu, ensuite Ugo, deux amis d'enfance de Fabio Montale, ex-petit malfrat devenu flic par grandeur d'âme.

 

Mais contre qui doit-il se battre? La pègre, soupçonnée de ces meurtres? La police qui reste passive ?

 

Montale sera-t-il suffisamment résistant pour entrevoir la vérité alors que les fantômes de son passé refont surface ? 

 

Critique : 

Laissez tomber le Marseille de Marius, faites de même avec celui de la série  Poubelle La vie et entrez - si vous l'osez - dans une ville qui a tout d'un enfer annoncé.

 

La plume d'Izzo a un léger accent du Sud, vé, additionnée de quelques mots d'argot et elle t'entraine, avec son Fabio Montale de flic, à travers un Marseille qui a tout du 93 d'Olivier Norek !

 

Ici, on vote communiste, le FN fait son business et tout le monde en à après l'Arabe (Algérien), le Noir, le Jaune.

 

Aujourd'hui, ici, on votait presque à égalité pour les communistes et le Front national.

 

Bref, ici, ils voudraient bien n'avoir que du Dash, le Blanc de Blanc. Ici, l'immigré, c'est de travers qu'il est regardé et bien entendu, parqué dans des Cités, terreau de du banditisme.

 

Je m'accroupis devant le cadavre de Pierre Ugolini. Je venais d'arriver sur les lieux.Trop tard. Mes collègues avaient joué les cow-boys. Quand ils tiraient, ils tuaient. C'était aussi simple. Des adeptes du général Custer. Un bon Indien, c'est un Indien mort. Et à Marseille, des Indiens, il n 'y avait que ça, ou presque.

 

Sans sombrer dans le pathos, l'auteur, au travers de son flic désabusé, nous montre une ville gangrénée par son racisme ambiant, violent, par son Histoire, aussi, pas très nette durant la Seconde Guerre Mondiale.

 

Izzo, il n'y va pas par quatre chemins et appelle un chat, un chat et le texte est ponctué de gros mots tels bougnoule, crouille (terme raciste et injurieux utilisé pour désigner une personne d'origine maghrébine) ou niaouqué.

 

Je déteste ces mots, mais quand un raciste parle, il ne met pas des gants et cela aide à vous plonger encore mieux dans l'ambiance sombre et sordide de ces quartiers mal notés.

 

Marseille n'est pas une ville pour touristes. Il n'y a rien à voir. Sa beauté ne se photographie pas. Elle se partage. Ici, faut prendre partie. Se passionner. Être pour, être contre. Être violemment. Alors seulement ce qui est à voir se donne à voir. Et là trop tard, on est en plein drame. Un drame antique où le héros c'est la mort. À Marseille, même pour perdre il faut savoir se battre.

 

Fabio Montale non plus ne fait pas dans la dentelle, bien que lui, le racisme, il n'aime pas ça. Flic un peu trouble, au passé peu glorieux, voyou avant d'être flic, il est désabusé, a peur de s'engager, peur d'aimer. Un flic brisé mais on l'aime de suite, le Fabio.

 

Je n'ai jamais su parler des femmes que j'ai aimées. Je voulais préserver ces amours qui étaient en moi. Les raconter, c'était ramener les engueulades, les larmes, les portes qui claquent. Et les nuits qui suivent dans les draps froissés comme le cœur. Et je ne voulais pas. Je voulais que mes amours continuent de vivre. Avec la beauté du premier regard. La passion de la première nuit. La tendresse du premier réveil.

 

Une enquête qu'il réalisera moitié en sous-marin, moitié en officiel, est aussi un bon prétexte pour nous faire découvrir la vile de Marseille au travers de ses banlieues, ses truands, ses petites frappes, sa zone, ses exclus, ses flics violents, ces parents qui ont démissionné, ces jeunes qui ne savent pas quoi faire et qui ne connaissent pas leur identité.

 

Ils étaient de Marseille, marseillais avant d'être arabes. Avec la même conviction que nos parents;. Comme nous l'étions Ugo, Manu et moi à quinze ans. Un jour, Ugo avait demandé : "Chez moi, chez Fabio, on parle napolitain. Chez toi, on parle espagnol. En classe, on parle français. Mais on est quoi, au fond ?" Des Arabes, avait répondu Manu.

 

Bien que nous soyons dans les années 1995, rien n'a changé depuis, hormis le Minitel qui est mort et les smartphones qui ont fait leur apparitions.

 

C'est un roman brut, un récit sans une once de lait (mais avec une pointe de sexe) rempli de misère sociale, économique, de racisme, de cadavres, c'est une enquête parmi les truands, le tout avec une touche de cuisine, de philosophie de la vie et de farniente. Oui, Fabio aime la cuisine, les calanques, la pêche et pas qu'au voyou.

 

Boxer ce n'est pas seulement cogner. C'est, d'abord, apprendre à recevoir des coups. À encaisser. Et que ces coups fassent le moins mal possible. La vie n'était rien d'autre qu'une succession de rounds. Encaisser, encaisser. Tenir, ne pas plier. Et taper au bon endroit, au bon moment.

 

Un putain de bon roman noir qui m'a enchanté, transporté, fait grimacé, serré les tripes devant certains faits. Dans ce roman, Fabio n'est pas le personnage principal, la ville de Marseille l'est aussi, ainsi que tout ce qui gravite dans ses ruelles.

 

— Fabio, j'aime les mojitos, mais je sens bien que je ne tarderai pas trop à aller me boire quelques pastis avec toi ! Vé !

 

Challenge "Thrillers et polars" de Sharon (2015-2016), Lire "À Tous Prix" chez Asphodèle (Prix du festival de Saint-Nazaire en 1996) et Ma PAL "Canigou"… C’est du massif !.

 

 

 

Titre : 1280 âmes
 
Auteur : Jean-Bernard Pouy
Édition : du Seuil (2000) / Points (2000)

Résumé :

Si Pierre de Gondol est le plus petit libraire de Paris, sa connaissance de la littérature tous azimut est considérable.


C'est ainsi qu'un matin, l'un de ses clients, dérouté par la lecture d'un célèbre roman de Jim Thompson, vient lui demander où sont passés les cinq personnes oubliées dans la traduction de ce texte qui, en anglais, se nomme Pop 1280 et, en français, 1275 âmes.

 

Pierre va alors se transformer en détective littéraire, pour retrouver dans d'autres livres, mais aussi en effectuant le voyage jusqu'aux Etats-Unis, la trace de ces étranges disparus.


Une enquête littéraire haute en couleurs, qui revisite les grands textes tout en posant sur l'Amérique un regard débarrassé de bien des clichés.

 

Critique : 

La preuve qu'on peut avoir la plus petite mais être efficace quand même... Voyez plutôt : Pierre de Gondol possède la plus petite librairie de Paris - what did you think ?? - mais c'est un librairie efficace car sa connaissance en littérature est considérable et tous azimut. Dans son 12m², il ne possède que des livres rares, des incunables, des signés...

 

Ses clients, des érudits tout comme lui, aime lui poser des questions, des énigmes... Jusqu'au jour où un lui parle du roman de Jim Thompson "Pop. 1280" et traduit par Marcel Duhamel "1275 âmes" (le N°1000 !)... Soit-disant que ça sonnait mieux ! 

 

Pour un Belge qui dira "Mille deux cent septante-cinq âmes", oui, mais le français ira par un autre chemin, nous donnant un "Mille deux cent soixante-quinze âmes"... Faut déjà additionner !

 

Alors, elles sont où, ces 5 âmes perdues ?? Et c'étaient quels personnages qui sont passé dans les limbes lors de la traduction ?

 

Pour ceux qui ne le saurait pas encore, la mythique "Série Noire", qui importait et traduisait des romans "noirs" américains, n'était pas toujours regardante dans ses traductions et sabrait de bon coeur dans le texte original afin qu'il "colle" avec le nombre de pages prévu.

 

Véritable enquête, ce petit roman nous emporte dans Paris et ensuite, aux États-Unis, dans son trou du cul parfois, pour un périple où les références culturelles, littéraires et cinématographiques vont se bousculer au portillon.

 

Parce que Pottsville, la ville du roman avec le shérif Nick Corey, elle n'existe pas ! Alors, il faut aussi mener une enquête avec des cartes afin de trouver une petite ville du début du siècle, avec une rivière capable d'emporter des corps, un chemin de fer et une rue qui donne sur la rivière...

 

Notre libraire est un érudit, ses références culturelles sont nombreuses, son enquête est sérieuse et c'est un véritable plaisir que de se détendre avec ce roman, surtout si on a lu "1275 âmes".

 

L'auteur nous parlera aussi des nombreuses adaptations cinématographiques qui furent faites des romans de Thompson, ainsi que des passages coupés dans le roman, dont deux pages importantes au début et manquantes dans la traduction.

 

Mélangeant la culture avec l'humour, les 166 pages défilent sans que l'on s'ennuie une seconde et je vous avoue que j'ai souri très souvent des bons mots de Gondol qui ne se prend pas la tête... la tête de Gondol !

 

Si j'ai sorti rapidement ce livre acheté la semaine dernière, c'est suite à une question d'un membre de Babelio, au sujet de "1275 âmes" et qui voulait savoir de qui Buck parlait-il en disant à Nick Corey "Tu dois te prendre pour l'Autre. Celui qu'a la même initiale que toi".

 

J'ai appraremment trouvé la solution puisque confirmée dans "1280 âmes".

 

À lire si vous voulez en savoir plus sur "1275 âmes" ou tout simplement pour boire un super bouillon de culture tout en voyageant en Oklahoma avec notre libraire érudit et vous détendre après des lectures sombres.

 

Challenge "Thrillers et polars" de Liliba (2014-2015),  "Challenge US" chez Noctembule et "Challenge Ma PAL fond au soleil - 2ème édition" chez Métaphore.


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