4.48 Romans Noirs [Divers]

 

Ici seront regroupés des romans noirs qui n'entrent pas dans les autres catégories.

 

Ce seront donc essentiellement des romans en provenance de l'Asie, de l'Afrique du Nord,  du Centre et même de l'Afrique du Sud (autre que les romans de Deon Meyer) en doublon dans cette catégorie afin de l'étoffer un peu.

 

 

 

 

Titre : Utopia


Auteur : Ahmed Khaled Towfik
Édition : Ombres Noires (2013)

Résumé :

Dans un monde arabe en ébullition, Utopia est un cri d’alarme sur les clivages sociaux et la disparition des couches moyennes en Égypte.

Le Caire, 2023. À l’abri de hauts murs barbelés, la jeunesse oisive de la colonie d’Utopia s’ennuie. Seule la "Chasse" procure le grand frisson et a valeur de rite initiatique. Le but : s’introduire dans les bidonvilles du Caire, tuer un pauvre et ramener un trophée.

 

Un jeune homme et sa petite amie ont décidé de goûter à la poussée d’adrénaline. mais leur immersion dans les bas-fonds du Caire, véritable cour des miracles post-apocalyptique, se révèle plus dangereuse que prévu.

 

Démasqués, traqués par une population haineuse, ils vont à leur tour devenir la proie des chasseurs. Parviendront-ils à sauver leur peau?

 

Critique : 

Si vous avez l'âme d'une fleur bleue, je vous conseilles d'aller lire un Oui-Oui (chez les Pingouins, le meilleur à mon sens), c'est mieux, mais surtout pas Utopia !

 

Utopia, c'est le futur, nous sommes en Égypte en 2023 et suite à une division des classes, les très riches vivent retranchés dans une partie de la ville, protégée par de hauts murs et des anciens Marines Américains.

 

Sécurité de haut vol pour les très riches tandis que le reste de la populace, les pauvres, vivent dans des taudis, ce sont les Autres.

 

La classe moyenne ?? Y'en a plus, ma bonne dame ! Disparue, aux oubliettes, et ce n'est pas tout à fait de la SF, ce petit roman, puisque chez nous aussi la classe moyenne recule tandis que la classe aisée avance.

 

Dans ce court roman qui t'en fout plein la gueule, deux récits s'alternent : celui d'un des gamins riches et oisif qui a décidé de pimenter sa vie en allant kidnapper un Autres pour ramener un trophée et celle de Gaber, un lettré, universitaire qui vit dans les bidonvilles et la misère la plus totale.

 

Deux hommes que tout oppose mais que tout réuni, comme si le riche était la part sombre, obscure du pauvre. Tout deux aiment lire, les filles, la drogue et tout deux s'ennuient de la vie. L'un parce qu'il a tout, l'autre parce qu'il n'a rien. Tout le monde prend de la drogue, les riches pour sortir de leur ennui, les pauvres pour oublier leur misère.

 

La lecture pour moi est une sorte de drogue à bon marché. Je ne m'en sert que pour perdre conscience. Quand on pense qu'autrefois les gens lisaient pour développer leur conscience !

 

Alternance de point de vue, mélange du chasseur et de la proie car le chasseur, en terrain hostile, devient la proie des moutons, peu de temps morts, des descriptions de deux modes de vie dont je ne voudrais ni l'un, ni l'autre.

 

Un récit qui ne laisse que peu de répit, deux hommes que tout oppose mais que tout pourrait réunir, de la drogue, de la violence (jamais gratuite), de l'humanité aussi, une leçon pour le gamin riche (la retiendra-t-il ?).

 

Un conte cruel, sombre, où le pessimisme règne en maître avec son fidèle serviteur, la résignation; le tout servi par une plume acide qui dénonce l'effondrement de nos sociétés actuelles par la perte du ciment : les classes moyennes.

 

Utopia, ça te foutra un coup de pied dans ton cul et t'en restera baba.

 

C’est curieux de voir à quel point les besoins humains se sont rétrécis. Au début, il y avait encore des appartements avec des téléphones, des frigos, des télévisions, des salles de bains. Du coup, les gens se plaignaient toujours de la vie de chien qu’ils menaient, obligés de regarder des émissions débiles et de composer avec les coupures d’eau, de téléphone ou d’électricité. Une fois que vous avez perdu tout ça, il n’y a plus de motif de se plaindre. Un genre particulier de karma, en somme. Quand il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas de coupures de courant.

 

Challenge "Thrillers et polars" de Sharon (2015-2016).

 

 

 

Titre : La Tuerie d'Octobre


Auteur : Wessel Ebersohn
Édition : Payot et Rivages (2014)

Résumé :

A l'âge de 15 ans, Abigail Bukula assiste au massacre de ses parents lors d'un raid perpétré par un commandi de blancs contre des militants anti-apartheid.

 

Elle est épargnée grâce à un jeune soldat.

 

Des années plus tard, devenue juriste et haut fonctionnaire du nouveau gouvernement Sud-africain, Abigail revoit Leon Lourens, le soldat qui l'a sauvée. Il lui demande de l'aider car les membres de l'ancien commando ont presque tous trouvé la mort dans des circonstances mystérieuses.

 

La jeune femme va devoir retourner dans un passé qu'elle préfèrerait oublier, et, pour cela, elle sollicite le concours d'un homme singulier qui a travaillé sous le régime de l'apartheid : Yudel Gordon, juif, psychiatre des prisons et enquêteur à ses heures.


Les 3 autres volumes de la série, tous en collection Rivages/Noir, sont : La nuit divisée (1993), Coin perdu pour mourir (1994), Le cercle fermé (1996).

 

Critique : 

Après le Mali et le Kenya, j'ai décidé de poser mes valises dans l'Afrique du Sud post-apartheid.

 

Chouette, l'apartheid est mort ! Tout va bien, alors ? Ben non, pas vraiment. Certaines mauvaises idées de meurent jamais..

 

L’Afrique du Sud tourne sur trois pattes et les Township sont toujours un enfer sur terre. Même si les Blancs ont moins de pouvoir, le racisme ambiant a encore de beaux jours devant lui et si certains Noirs ont accédé à des postes, il en reste encore beaucoup qui crèvent à petits feux dans les quartiers miséreux.

 

Abigail Bukula est l'illustration des Noirs qui ont réussi à gravir les échelons et cette petite bonne femme a un courage monstre, une personnalité fouillée et bien des secrets cachés en elle.

 

C'est elle qui a survécu au raid, visant des militants anti-apartheid, il y a 20 ans, (en 1985) grâce à un soldat. De ce qui s'est passé durant le raid, nous ne le saurons que petit à petit, afin de ménager le suspense.

 

Si vous cherchez du trépidant, oubliez ce roman. L’enquête n'a rien d'un 24h/chrono, même si elle vous tient en haleine car l'heure tourne et on se rapproche de la date fatidique.

 

En fait, l'enquête sert plus à mettre la lumière sur les dysfonctionnements de la société et ses vieux démons de l'apartheid qui ne sont pas encore tout à fait mort.

 

Dans ce roman noir, tout est centré sur les personnages, fouillés, psychologiquement aboutis, dont un récurent : Yudel Gordon (que j'ai découvert ayant commencé par le dernier), juif et ancien psychiatre des prisons ayant fait carrière sous l’apartheid.

 

Ici, les gens qui ont fait carrière sous l'apartheid ne sont pas tous des salauds de la pire espèce, que du contraire. Les personnages sont bien plus fins et plus complexe que ça. Tourmentés, aussi, d'avoir travaillé sous l'ancien régime.

 

— À Maseru, j'ai été sauvée par un homme bon qui défendait une mauvaise cause, et le lendemain, j'ai été délivrée par un homme mauvais qui se battait pour une bonne cause.
— Rien n'est jamais simple dans la vie.

 

A contrario, les héros sous l'apartheid ne sont pas toujours des chevaliers purs et bons, certains ont même tout du psychopathe sanguinaire. Pire, certains de ces assassins ont même été récompensé en accédant à des hautes fonctions.

 

La situation politique du pays fournissait à certains une raison "moralement acceptable" de tuer. Et rien n'a changé sous le soleil. Puisqu'on ne fait pas d'omelettes sans casser d’œufs, on ne change pas un pays sans que des innocents trinquent méchamment.

 

De l'avis de Yudel, ce n'était qu'un opportuniste à qui la situation politique du pays fournissait une raison moralement acceptable de tuer.

 

Sans jamais sombrer dans la surenchère, juste avec quelques situations bien décrites ou des dialogues qui font mouches, l'auteur arrive à nous décrire une Afrique du Sud qui se cherche encore, ses fêlures, ses dysfonctionnements, sa misère dans les Township et le racisme qui est toujours présent dans l'esprit de certains.

 

Simon Mkhari, par exemple, avait brûlé vive une femme de soixante ans, coupable d'avoir acheté de quoi manger dans une épicerie tenue par un Blanc, contrevenant ainsi aux ordres de boycott.

 

L'enquête est bien menée, les personnages, à la psychologie fouillée, m'ont entrainé dans une Afrique du Sud qui a mal et l'auteur m'a subjugué avec sa plume simple, mais efficace, perfide aussi, et qui a fait mouche sans sombrer dans le grandiloquent ou le n'importe nawak.

 

Un roman noir coup de poing et un final coup de pied dans le cul.

 

Challenge "Thrillers et polars" de Sharon (2015-2016)

 

 

 

Titre : Mélanges de sangs


Auteur : Roger Smith
Édition : Calmann-Lévy (2011) / Livre de Poche (2013)

Résumé :

Jack Burn, sa femme enceinte et leur petit Matt sont en plein dîner lorsque deux membres du gang des Americans les agressent. Ex-marine qui a fui les États-Unis après un hold-up meurtrier, Jack les tue… tous les deux.

 

Le vieux veilleur de nuit Benny Mongrel a vu les gangsters entrer dans la villa, mais sans en ressortir. Ancien du gang des 28, il vit dans l’enfer des Flats et, ne voulant surtout pas replonger, il ne dira rien de ce qu’il a vu à personne. 

 

Jusqu’au jour où le flic Gatsby Barnard l’interroge et commet une erreur impardonnable.

 

La guerre est alors déclarée et tous les coups sont d’autant plus recommandés que Barnard est lui-même sous la surveillance de Disaster Zondi, un enquêteur zoulou qui veut sa tête pour torture, meurtre et corruption.

 

Petit Plus : Terrifiante description des Flats, ce roman a reçu le Deutschen Krimi Preis et fera l’objet d’un film avec Samuel L. Jackson dans le rôle de Disaster Zondi.

 

Critique : 

Afrique du Sud. Direction Le Cap. De grâce, laissez vos vuvuzelas au placard et munissez-vous plutôt d'une arme à feu car ce n'est pas au stade de foot que nous allons, mais dans les Cape Flats.

 

Et vu l'endroit et les multiples gangs, vaut mieux être armé !

 

Si vous rêviez de l'Afrique du Sud comme destination de vacances, ne lisez pas ce livre.

 

Tout compte fait, lisez-le et changez ensuite de destination ! Ça vous évitera de vous retrouver à Cape Town, la ville la plus dangereuse du pays, celle où la criminalité est un fléau depuis des années.

 

Une dichotomie flagrante : d'un côté, les villas luxueuses des nantis, les Blancs, protégées (mais pas toujours) et de l'autre, les Flats où toute la misère du monde semble s'être donnée rendez-vous. Drogues, viols d'enfants, meurtres, enlèvements, tabassages en règle, règlements de comptes, alcool, pauvreté, trafics en tout genre...

 

Des personnages aux parcours et origines différentes - mais pas tant que ça - vont se croiser et s'affronter.

 

Jack Burn, américain, a emménagé au Cap, dans les beaux quartiers, avec sa petite famille. Notre homme a tout de l'être propre sur lui jusqu'à ce qu'il tue les deux petites frappes qui s'étaient introduits chez lui. Sombre passé ??

 

Benny Niemand ("Personne" en afrikaans) est un métis, a fait de la prison et était un galonné dans le gang des Mongrel, le gang 28. Maintenant, il est veilleur de nuit sur un chantier et ça a toute son importance.

 

Rudi Barnard - Blanc - flic obèse et ventripotent : plus corrompu et sadique que lui, tu meurs.

 

Disaster Zondi, un zoulou, Noir, enquêteur et super-flic qui est là pour faire tomber Barnard.

 

L'apartheid a beau être de l'histoire ancienne et avoir été aboli, on le sent toujours présent, les tensions raciales ne se sont pas fait la malle et la couleur de peau revêt toujours une importance capitale. Pas qu'entre les Noirs et les Blancs, mais aussi chez les Métis. Selon qu'ils sont café léger au lait, café sans beaucoup de lait ou lait russe. Ça change tout.

 

Destins croisés, vengeance, rédemption, passé sombre, fautes, erreurs qui se payent cher... Tout se mêle et s'entremêle entre les protagonistes pour se terminer en feu purificateur et destructeur.

 

Les personnages sont travaillés, sans en faire trop l'auteur nous donne l'essentiel.

 

L'écriture se lit toute seule mais la plume est sans pitié pour la ville du Cap, ses bidonvilles, sa corruption et son taux de criminalité élevé.

 

Un roman noir qui dépote, violent, un roman où les flics sont pourris et se foutent bien de résoudre les crimes qui ont lieu dans les Flats.

 

Un roman superbe qui ne vous donnera pas envie d'aller visiter la ville où Mandela fut emprisonné (la prison de Pollsmoor après son transfert).

 

Challenge "Thrillers et polars" de Canel (2014-2015), Lire "À Tous Prix" chez Asphodèle (Deutschen Krimi Preis) et Ma PAL "Canigou"… C’est du massif !


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