4.49 Nicolas Lebel : Capitaine Mehrlicht

 

  • L'Heure des fous (2013)

  • Le Jour des morts (2014)

  • Sans pitié, ni remords (2015)

 

 

 

 

Titre : L'heure des fous


Auteur : Nicolas Lebel
Édition : Marabout (2013)

Résumé :

Paris: un SDF est poignardé à mort sur une voie ferrée de la gare de Lyon. "Vous me réglez ça. Rapide et propre, qu’on n’y passe pas Noël", ordonne le commissaire au capitaine Mehrlicht et à son équipe : le lieutenant Dossantos, exalté du code pénal et du bon droit, le lieutenant Sophie Latour qui panique dans les flash mobs, et le lieutenant stagiaire Ménard, souffre-douleur du capitaine à tête de grenouille, amateur de sudoku et de répliques d’Audiard...


Mais ce qui s’annonçait comme un simple règlement de comptes entre SDF se complique quand le cadavre révèle son identité.


L’affaire va entraîner le groupe d’enquêteurs dans les méandres de la Jungle, nouvelle Cour des miracles au cœur du bois de Vincennes, dans le dédale de l’illustre Sorbonne, jusqu’aux arrière-cours des troquets parisiens, pour s’achever en une course contre la montre dans les rues de la capitale.


Il leur faut à tout prix empêcher que ne sonne l’heure des fous...

 

Critique : 

Kermit la grenouille ! Putain, et moi qui avais imaginé le capitaine Mehrlicht en beau grand blond avec des yeux bleus (et dans ma tête, j'entends Jean-Claude Dusse qui dit "Eh ouais, le nazi quoi !").

 

Ben merde alors, le capitaine Mehrlicht il est petit, moche, porte un costume marron que même celui de Columbo doit être plus neuf, il fume pire que toutes les cheminées d'usine du Londres de Sherlock Holmes et ses yeux globuleux de sa tête de grenouille suffirait à rendre jaloux Marty Feldman, l'acteur fétiche de Mel Brooks.

 

"Ses yeux étaient deux boules sombres que l’on aurait juré indépendantes l’une de l’autre, capables de lorgner l’une la grille de sudoku, l’autre ce qui se passait alentour. Nul n’aurait pu dire s’il avait une langue visqueuse, mais à l’instant où il quittait le bâtiment – ce qui se produisait toutes les demi-heures – on voyait poindre de sa gueule un mégot laiteux qu’il supait avec délectation, s’imbibant de sa teinte cireuse jusqu’au bout de ses doigts-ventouses. Au portrait s’ajoutaient des taches brunes qui ponctuaient chaotiquement son crâne fripé où vacillaient au vent du ventilateur les derniers lambeaux d’une chevelure défunte."

 

Quand à son équipe de flics, elle est barrée. Hormis le lieutenant stagiaire Ménard et Sophie Latour qui sont "normaux", on fera aussi la connaissance du lieutenant bodybuildé Dossantos qui vous récite le code pénal comme d'autres vous balancent des proverbes et dont la culture se résume aux séries télés.

 

Dossantos enfila des gants de latex et se pencha à son tour sur le corps.
— Qu’est-ce que tu fous avec des gants en latex, toi ? lui demanda Mehrlicht, éberlué.
— Je regarde Les Experts sur la Une. Tu devrais.
— Il a raison, reprit Carrel. C’est là que j’ai tout appris. Mehrlicht grogna et aspira une bouffée de sa gitane.
— Je regarde pas la télé. Ça rend con. Et puis, si c’est pour finir habillé en latex…

 

Il ne m'a pas fallu 10 lignes pour entrer dans le roman. D'ailleurs, j'y étais tellement bien que j'ai lu tout d'une traite. 276 pages, c'est peu, mais l'avantage c'est qu'on reste dans le rythme, sans pour autant faire des excès de vitesse.

 

Si j'ai trouvé Mehrlicht imbuvable au départ, me disant que si j'avais dû turbiner avec cézigue j'lui aurais ouvert le chou-fleur d'un coup d'surin. On m'aurait même pas embastillée au mitard tellement qu'il est imbuvable... Enfin, je le croyais imbuvable, le gus.

 

Dans ce roman qui se dévore, si j'ai adopté de suite l'équipe de flic de Mehrlicht, j'ai appris à bosser avec son capitaine, appris à le connaître, appris à l'apprécier, ce Kermit amateur de Sudoku, de bons mots trempés dans l'humour noir et de l'argot.

 

— Il habite avec sa femme, Jeanne Crémieux, dans le cinquième arrondissement, 34, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève.
— Là, tu peux dire "habitait" parce ce que, en ce moment, il habite dans le douzième arrondissement, 2, place Mazas, à l’institut médico-légal.

 

Dans ce roman qui se dévore, si j'ai adopté de suite l'équipe de flic de Mehrlicht, j'ai appris à bosser avec son capitaine, appris à le connaître, appris à l'apprécier, ce Kermit amateur de Sudoku et de bons mots.

 

Ce que j'ai aimé aussi, dans ce roman, c'est que ce n'est pas qu'un polar où il faut résoudre l'assassinat du Docteur Lenoir et trouver que le coupable est le chandelier dans le Colonel Moutarde avec la biblio (oups, remettez-les dans le bon ordre)... Non, c'est mieux que ça !

 

On a du contexte social, une critique de notre société, de la culture générale, quelques tours dans Paris et ses bois, le tout servi enroulés dans de l'argot (Mehrlicht) et des répliques cultes d'Audiard (je veux l'appli de Mehrlicht, moi !).

— Arrête ! Ça me défrise, la verdure. Il y a que les toubibs et les cordonniers pour te conseiller un tour en forêt, parce que c'est comme ça que t'attrapes la crève et que tu bousilles tes godasses, putain.

 

Un roman qui se lit tout seul, des personnages peu habituels et attachants, une critique sociale "pan dans ta gueule, tu l'as pas volée celle-là", de l'humour noir, de l'humour tout court, et un meurtre dont l'enquête les mènera là où ils ne s'y attendaient pas.

 

Un ronflement irrégulier s'échappait d'un vieil ordinateur dont l'apparence aurait tué Steve Jobs une seconde fois.

 

Vivement que j’enquille sa suite !

 

Challenge "Thrillers et polars" de Sharon (2015-2016).

 

 

 

Titre : Le jour des morts


Auteur : Nicolas Lebel
Édition : Marabout (2014)

Résumé :

Paris à la Toussaint. Le capitaine Mehrlicht, les lieutenants Dossantos et Latour sont appelés à l'hôpital Saint-Antoine: un patient vient d'y être empoisonné. Le lendemain, c'est une famille entière qui est retrouvée sans vie dans un appartement des Champs-Élysées. Puis un couple de retraités à Courbevoie...

 

Tandis que les cadavres bleutés s'empilent, la France prend peur: celle qu'on surnomme bientôt l'Empoisonneuse est à l'oeuvre et semble au hasard décimer des familles aux quatre coins de France depuis plus de quarante ans.

 

Les médias s'enflamment alors que la police tarde à arrêter la coupable et à fournir des réponses : qui est cette jeune femme d'une trentaine d'années que de nombreux témoins ont croisée?

 

Comment peut-elle tuer depuis quarante ans et en paraître trente? Surtout, qui parmi nous sera sa prochaine victime ?

 

Dans la tornade médiatique et la vindicte populaire, chacun reconnaît la tueuse: elle est une voisine, une sœur, une ex, et la chasse aux sorcières s'organise. Mais derrière l'Empoisonneuse, c'est la Mort elle-même qui est à l’œuvre, patiente et inexorable: nul ne lui échappera.

 

Critique : 

C'est avec un plaisir non dissimulé que j'ai retrouvé toute l'équipe du capitaine Mehrlicht que j'avais laissée aux abords de la Sorbonne en décembre 2015.

 

Vu le plaisir ressenti lors de ma lecture précédente, je ne voulais pas laisser passer trop de paquet de Gitane sans filtre avant de retrouver mes policiers hors du commun.

 

Cette fois-ci, le mystère c'est des morts suspectes, des gens sans liens apparent entre eux et une piste évanescente.

 

Bourré d'humour et de nicotine avec du goudron dans les réparties acerbes que le capitaine Mehrlicht balance à tour de mâchoire et à tout être qu'il n'apprécie pas, des dialogues au poil entre les différents policiers, chacun étant bien typés, ce roman est un condensé de plaisir pur et addictif.

 

Dans cette enquête, l'auteur mettra en avant des magouilles de politiciens (eux qui sont si innocents), des pistons bien huilés, les dérives des médias, des livres rares que l'on rêverait de posséder et quelques pages sombres de l'Histoire...

 

L'Histoire sombre... Celle que l'on aime pas faire sortir des placards à squelette, celle de la folie qui saisi les Hommes et pourrait les ressaisir une fois de plus, celle qui fait que l'Homme est un loup pour l'Homme et que dès que le vent tourne, les victimes deviennent vite bourreaux.

 

Sans juger personne - c'est au lecteur à se faire juge et à sortir la guillotine ou pas - l'auteur déploie sa verve à travers les réflexions ou les pensées de ses policiers pour titiller là où ça fait mal.

 

Si Mehrlicht m'avait choqué dans le premier tome avec ses bizutages du pauvre stagiaire François, ici, je ne fus pas le moins du monde choqué et j'aurais volontiers mordu moi-même la main du nouveau, Guillaume.

 

Par contre, ce que je ferai, si je croise l'auteur, c'est lui coller le visage sur la table tout en transformant mon stylo en thermomètre anal parce sa dernière ligne... Salaud, je ne boirais plus de Côte-Rôtie et ne ferai plus de poupée vaudou.

 

Cet auteur peut vous faire rire, mais avec lui, j'ai aussi la larme facile. Mince, comment il a su m'émouvoir, ce *censuré*.

 

Du suspense, du mystère, une enquête prenante, des bons mots, une plume qui m'a chatouillé les zygomatiques, une plume acide dans certains cas, plongée dans le vitriol qui nous fait dire "c'est bien vrai, ça !", de l'émotion, de la profondeur et juste un seul regret : Mehrlicht a changé son appli de sonnerie de téléphone.

 

Vivement le prochain Lebel, surtout si le troisième est du même niveau que le premier et le deuxième, moi, je signe, mais je sens qu'une visite à quelqu'un de drôle va me manquer horriblement.

 

Challenge "Thrillers et polars" de Sharon (2015-2016).


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